June était là, assise sur son lit. Songeuse. Rêveuse. Amoureuse. Heureuse, ou moins, elle l'espérait. Depuis son arrivée à la Shaded Academy, elle n'avait pas fait énormément de rencontres, mais le peu de gens avec qui elle avait pris le temps de parler avaient tous été uniques. Tout d'abord, il y avait eut Jade Dester. Grande, cheveux bleutés, yeux malicieux, elle l'avait séduite par son côté maladroit et étrange. C'était une fille au grand coeur, l'Ange le savait. Et puis il y avait eut Alexis, la chef de la confrérie Guilty. Jeune femme splendide, avouons-le. Elle ne la connaissait pas tellement, alors elle n'arrivait pas trop à la cerner, mais l'appréciait tout de même. Elle avait l'air d'être une femme bien, c'était pas pour rien qu'on lui avait confié cette place au sein de l'école. Et pour finir - gardons le meilleur pour la fin - il y avait Jason. Vampire, beau, mystérieux, il avait complètement séduit June. Rien que d'y penser, des millions de papillons s'envolèrent dans son ventre. Elle se souvenait de leur première rencontre, de cette soirée où elle l'avait rejoint sur le toit avant qu'il ne l'embrasse...

Elle resta ainsi un moment, songeant à tout cela. Malgré le manque que lui causait Jason lorsqu'il n'était pas là, elle se sentait bien. Toutefois, quelques remords remontèrent à la surface. June se leva, brancha son portable sur une enceinte adaptée, et lança la lecture aléatoire. Première chanson : "Oh yeah" de Housse de Racket. Un sourire illumina son visage. Les volets non fermés laissaient voir que la nuit était tombée. Cela faisait un moment que l'Ange tournait en rond dans sa chambre, s'ennuyait. Et en voyant le noir dehors, comme une illumination, elle eut la soudaine envie de sortir faire un tour. Elle n'avait encore jamais visité l'école de nuit. Très vite, elle saisit une veste grise, l'enfila par dessus son tee-shirt blanc, enfila des escarpins noirs, se dirigea vers la salle de bain, se refit une beauté, saisit son sac et sortit de la chambre. Fermant celle-ci à clé, June réfléchissait déjà à savoir par où elle allait commencer. Tout était silencieux. Peut être une fête donnerai occupation aux personnes de la confrérie ce soir, mais elle n'en ferai pas partie. Elle passa devant la chambre de Jason, posa une oreille à la porte. L'eau coulait. Peut-être prenait-il une douche. Doucement, elle s'éloigna. Elle avait une folle envie de le voir, mais mieux valait ne pas l'étouffer. C'était comme ça, les hommes.

***

Au bout d'un moment d'errance dans le bâtiment, l'Ange se décida à sortir dehors. Elle poussa l'une des portes qu'elle n'avait encore jamais traversée. L'air frais caressa sa peau et c'est alors qu'elle se dit qu'elle avait bien fait de prendre une veste. Elle se trouvait désormais dans ce qui semblait être les jardins. Elle marchait sur un chemin dallé. Autour d'elle, de la pelouse, des arbres, des plantes vertes et des fleurs se dressaient fièrement. La lueur de la lune donnait à l'endroit un aspect plutôt féérique. Quelques lumières ornaient le chemin qui se séparait en plusieurs branches. N'en faisant toujours qu'à sa tête, la jeune femme ôta ses talons et se mit à marcher dans la pelouse. C'était frais et doux, un peu humide. Ça la chatouillais un peu, mais c'était supportable.

June alla s'assoir dans l'herbe. C'était un bon endroit pour être au calme, surtout à cette heure là: l'endroit était désert. Seul le bruit de la brise caressant la nature du bout de ses doigts raisonnait. Elle en profita pour se détendre entièrement. Rejetant sa tête en arrière, le ciel dégagé laissait voir de magnifiques constellations. Cela lui rappelait Londres, son meilleur ami, son père, puis sa mort. Et ensuite, ses pensées revinrent à Jason. A la vue de son visage dans son esprit, elle se sentit toute détendue.

Un bruit la tira de ses pensées. L'Ange entendis des bruits de pas, et au loin, elle vit une silhouette féminine se rapprocher. Elle se rendit alors compte qu'il s'agissait d'Alexis. Elle portait un survêtement en coton noir, ainsi qu'un pull assez fin, rayé blanche et bleue en laine, moulant. Encore une fois, elle était rayonnante et toujours aussi belle. Même si ses habits avaient moins classe que les autres fois où elle l'avait vu, elle avait toujours ce charme et cette foutue classe qui n'étaient propre qu'à elle. Une fois qu'elle fut assez proche d'elle pour l'entendre, June la héla de sa voix douce:

« On se promène ? »

Parmi la liste lyrique de ce qu’affectionnait Alexis Grace Williams, on trouvait le fait plus ou moins poétique qu’elle aimait se vêtir d’accoutrements. Elle appréciait que les diverses matières, ses différents tissus épousent ses linéaments charnels et s’en détachent pour aller se faufiler avec toutes leurs belles couleurs, leurs détails précis entre les autres pièces qu’elle possédait. De la tradition au plus inconcevable dans sa généralité, il y avait tellement à voir, à admirer. Elle déambulait dos à un immense miroir, encadrée de tous ses déguisements, ses costumes plus solennels, ses affaires de tous les jours et celles des soirs. Elle laissa ses doigts s’abreuver de ce sens singulier du touché et de sa sensibilité, délicate dans la finesse, la grandeur, l’agrément de ses tenues. Ses douces prunelles savouraient également l’éclat de ces esthétiques. Le tout sans dénombrer la variété de chaussures qui étaient exposées un peu plus loin, ainsi que ses accessoires. La demoiselle se mit dans un fauteuil qui décorait la salle près de cette glace surdimensionnée. S’affalant, la jeune femme ferma lentement les yeux, inspirant, humant le doux parfum qui émanait des lieux…

Quand sa vision revenait à elle-même, un peu floue, elle en profita pour se lever. S’approchant du divan, ancien bijou du temps, magnifique meuble, elle saisit la perruque qui le jonçait. Elle mit cette masse de cheveux rosés sur les siens, lui offrant une toute nouvelle coiffure, une coupe courte de mèches ultra-ondulées et une frange droite. Elle s’amusait à s’observer, ajustant le tout. La blondinette se pavanait le sourire aux lèvres, un rien pouvait la distraire. S’en libérant peu de temps après, elle rangea, c’était d’ailleurs la raison de sa visite. Mais elle gardait toujours cette certaine envie de s’embellir, de se changer. Une tentation qu’elle pourrait se permettre et qu’elle allait exécuter. C’était un vrai labyrinthe dans lequel elle s’engouffra, cependant pas si dangereux, ni même mortel, surtout pour elle qui le connaissait par cœur, partie intégrante même essentielle de sa chambre. Et dans cette valse improvisée, ses souvenirs dansaient eux-aussi indépendamment de sa volonté. C’est ce qui la poussa encore un peu plus. Elle enleva tout ce qui pouvait la couvrir.

Sans réellement de pudeur, après tout, elle était seule. En plus de cela, personne n’oserait rentrer dans ses appartements et il faudrait beaucoup pour réussir à la retrouver. Elle s’assit, prenant la peine de se coiffer. Dessinant une tresse assez épaisse de ses fils blonds, soyeux, la faisant ensuite tenir pour que cette dernière joue un rôle de serre-tête. Elle fit basculer le reste capillaire sur un coté, le maintenant, ceux-ci ondulaient jusqu’à son épaule avec ampleur, volume et élégance. (Pour illustrer, je m’inspire de cette image : Le personnage à gauche.) Elle sortit d’une boite arrondie de couleur blanche aux motifs géométriques harmonieux vitrés, une magnifique robe de ton resplendissant également, symbole absolu de pureté. Elle ne l’enfila pas de suite, la posant sur ses courbes avant. Sa nature de Princesse refaisait surface, Alexis qui l’avait pourtant noyée, la forçant dans l’eau de l’oubli sans qu’elle ne puisse se débattre, celle-ci qui eut l’audace de répondre à son chagrin dans un dernier, un ultime effort fortuit. Le cœur lourd, contracté, elle se décida enfin, animé par ce qu’elle avait pu refouler. Une manifestation chanceuse accordée de sa fatigue, un coté aussi lunatique qui l’avait bousculé, et qui ne lui ressemblait en rien.

Inutile de vous apprendre la valeur sentimentale extrême de cet habit. Au fond d’elle, elle cherchait à renouer avec un passé qu’elle avait effacé. Pourquoi ? Pour tellement de raisons. Soubresaut brusque de son être, elle s’en dénoua, reposant ce qu’elle tenait entre ses doigts dans son contenant. L’image de sa personne ornée de ses jupons, de ses broderies, ses formes agiles et opulentes, les fleurs en relief ou en transparence, jeu de coloris, jeu de lumières, des perles à la poudre scintillante de diamant... Elle soupira, essayant d’assimiler tous ces faits. Elle reprenait son rôle de chef, son aura habituelle. Qu’importe. Son téléphone sonna. Surprise qu’on fasse appel à elle à cette heure là, elle décrocha, sentant une problématique imminente. Dans la précipitation, dans ce besoin d’une soudaine sortie imprévue, elle empoigna un survêtement de coton noir, plutôt large et lui tombant sur le bas des hanches, ainsi qu’un pull moulant, collant à sa peau comme une seconde, ce dernier en laine rayé de blanc et de bleu, rappelant ces marins… Portable dans la poche, elle quitta la maison, ses talons hauts noirs résonnaient et annonçaient son départ…

Coin isolé des jardins, une silhouette la heurta violement. Elle encaissa le coup et serra tendrement ses traits entre ses bras. Le jeune homme semblait devenir fou, tremblotant et se tenait le visage, mais très vite il s’accrocha au cou d’Alexis, plantant ses ongles dans sa peau. La demoiselle ne bougea pas, le vent hurla au scandale pour elle de ce geste, soufflant fortement sur le couple éphémère qu’ils étaient. Lui, qui était-il ? Un membre sous sa responsabilité qui avait rassemblé le peu de lucidité qu’il avait pour la prévenir de sa mutation. En vampire. Lui envoyant ce SOS, elle se devait de lui apporter ce soutien, cette aide précieuse, d’où sa présence. Elle le canalisait du mieux qu’elle pouvait. Mais cet étudiant, devenu un être s’abreuvant de sang, comprenait bien que s’il arrivait à lui arracher une seule, une unique goutte de son liquide vital, sa bouche aurait la bienheureuse impression de s’emplir de rouge avec une abondance jouissive. Une euphorie maladive. Se relevant, il exposa ses crocs, il tenta de les planter dans sa chair de porcelaine. Elle le repoussa, il tomba au sol.

Enervé, perturbé devant elle qui lui était supérieure. Il se jeta à nouveau sur elle, vainement. Elle attrapa ses poignets et le fixa, son regard qui lui ordonnait d’arrêter. L’électricité se manifestait entre eux deux, éclair de rage, de colère, d’envie... Elle dévoila un sourire prononcé, ses dents affinées à quasi l’identique des siennes le défiant. Il prit la fuite à cet instant. Elle croisa les bras et suivit son ombre qui disparaissait dans l’obscurité. Si elle ne se lança pas à sa poursuite c’est car elle savait qu’il allait se cacher dans un coin pour étouffer sa défaite, son agressivité était retombé et il doutait alors en cette nuit, il ne ferait rien de compromettant. Alexis passa ensuite une main dans sa nuque, soupirant, un peu perplexe, la mélancolie l’enlaçait, des questions s’ajoutaient à ses autres sentiments. Les mains recroquevillées sur sa poitrine, à hauteur de son cœur, les yeux changeant, se teintant d’assurance en contraste avec ces émotions précédentes, félins et vifs. Elle devait bouger et c’est ce qu’elle fit sans attendre.

Alexis commençait à marcher, poussant du bout des doigts les branches qui se dressaient sur son chemin. Les feuilles des arbres la dissimulaient, non loin d’un point d’eau, les saules-pleureurs guidaient ses pas, passant sous un puis sous l’autre et ainsi de suite. L’herbe avait une vue imprenable sur le rouge de ses Louboutins. La nuit l’accompagnait comme si elle fut sa fille légitime, sa pénombre comme manteau, les étoiles semblaient la suivre. Elle s’émerveillait voyant comme en naitre, les lucioles qui lui exprimaient une confiance incroyable en l’escortant. La lune haute dans le firmament, dans la courbure de la voix lactée, éclairait avec allégresse de ses rayons le monde. Bientôt, elle rejoignait un des sentiers découpant les jardins, le longeant de loin tout en pouvant le remarquer, le paysage était épuré de toute végétation imposante. Et plus elle flânait vers cette destination, plus une aura s’esquissait. La jeune femme s’y aventurant par un peu de curiosité c’est vrai, fut assez surprise de voir que cette personne lui était familière. Il s’agissait de June, l’ange l’interpella une fois à sa hauteur. Sa petite voix sucrée qui l’interrogeait, Alexis rétorqua en s’immobilisant :

" Impromptu, mais.. Oui. "

Elle lui sourit, c’était simple et retenue, en même temps quand on repensait à ce pourquoi, elle était dehors. Elle hocha la tête positivement, la question suivante a passé fut de savoir ce que la jolie blonde faisait là …


" Et toi ? "