Hiver, Printemps, Eté, Automne. Quatre douces saisons qui ne semblent pas avoir le même rythme malgré qu’elles puissent se côtoyer, s’effleurer dans de tendres caresses éperdues sans jamais se toucher. En ces jours gris, l’Hiver était omniprésent. Tantôt le froid venait mordre les chairs rosées, tantôt la pluie venait s’abattre sur l’académie. Le ciel aujourd’hui semblait plutôt clément et laissait entrevoir quelques rayons de lumière à travers les sombres nuages qui menaçaient de faire pleuvoir une eau torrentielle d’une minute à l’autre. Mais le silence était d’or dans la Shaded Academy, les professeurs dictant leurs cours dans leur salle respective, les élèves écoutant d’une oreille distraite ou attentive.

Quelques personnes voguaient dans les couloirs de l’école, sans bruit, ou parlant très peu. Le jeune Démon faisait partie de ces personnes, surveillant aléatoirement les diverses salles, les escaliers, les couloirs… Tout est si morne pour un surveillant lorsqu’il n’a pas de travail. En passant devant les classes, il pouvait entendre quelques bribes de cours qui lui rappelait de nombreux souvenirs déjà loin pour lui. Deux ans qu’il avait commencé à surveiller les garnements de collège pour finalement atterrir ici, ne regrettant en rien ses choix. Cependant il devait avouer qu’exercer ce métier sans se lasser était quelque chose à rude épreuve. Il n’avait pas énormément d’activité et tout devenait répétitif. Mais au moins il pouvait fréquenter des jeunes et se sociabiliser un peu plus que dans sa vie d’humain. C’est ainsi que Jun voyait les nouvelles possibilités ouvertes à lui.

L’homme se baladait dans les couloirs de l’école, jetant souvent un regard en arrière pour voir s’il n’était pas suivi ou si un élève ne s’aventurait pas stupidement pour sécher les cours. Un maigre sourire orna les lèvres du garçon alors qu’il s’avançait vers la cafétéria de l’école, fermée depuis un long moment puisque midi était déjà passé. Mais étant donné qu’il n’avait pas eu le temps de manger quelque chose, il n’allait pas se priver d’un repas, même froid. Il n’était plus très difficile depuis « ce jour ». Enfouissant la main dans la poche arrière de son pantalon, il extirpa le trousseau de clefs attaché à une chaîne, elle – même fermement ancrée à son jean afin que personne ne les lui vole. Il ouvrit ainsi la cafétéria où il s’aventura, refermant la porte dans son dos sans verrouiller, se doutant que personne n’allait venir à cette heure – ci… Enfin, il l’espérait réellement sous peine de se faire prendre, même s’il pouvait aisément expliquer la situation puisqu’il s’était pris la tête avec un élève quasiment toute la matinée et n’avait pu se décrocher de celui – ci en début d’après midi. Jun délaissa donc la salle principale pour aller en arrière dans les cuisines, fouiller un peu…

* Réveillée premièrement par un sursaut, mon cœur semblait imploser quand je remarquais que ma peau était mise à nue. Vraisemblablement sans aucuns vêtements, je passais mes bras autour de ma poitrine, mes jambes se serraient. Mon regard agité, ne savait où réellement se poser, et j’essayais tant bien que mal de restituer les éléments qui composaient ce qui m’entourait. Je me calmais, reprenant lentement ma respiration, bruyante, dérangeante quand je remarquais la splendeur des lieux. J’étais seule, couronnée de fleurs, leurs pétales qui valsaient, leurs couleurs qui m’encadraient. Le parfum qui s’en dégageait m’emprisonnait. La lisière d’une forêt, des arbres imposants, leurs feuillages me voilant au reste du monde. Des racines qui sortaient du sol, l’herbe d’un vert incroyablement beau, je m’en détachais rapidement, levant la tête pour observer la grandeur de ces êtres de bois. Doucement mes mains quittaient ma peau, mes doigts glissant sur ma chair, je n’osais pas vraiment me regarder. Le vent souffla, balayant vivement mes cheveux d’une magnifique blondeur. Volumineux, ondulés, soyeux et d’une fragrance tout aussi envoutante…

Des papillons arrivaient un à un, formant d’un nombre non moindre, après quelques instants une autre danse. D’autres animaux accouraient vers ma personne. Des oiseaux sur les branches, aux plumages divins, ainsi que des bêtes plus impressionnantes et d’autres intimidantes. Les mots me manquaient pour décrire cette scène… Un renard, loin d’être timide s’approcha encore et encore. J’avais du contact avec les félins mais tout de même qu’il puisse ainsi mettre ses pattes sur mes cuisses et se relevée vers mes traits pour que son museau vienne à toucher mon nez… Ses moustaches caressaient ensuite mes joues. Mes prunelles furtives étaient toujours indécises sur ce qu’elles devraient contempler. Tout était si personnifié et limite humanisé. Je fermais les yeux, mes iris trop émerveillées pour tout supporter. La source de la fontaine de sang qui m’animait s’arrêta lors d’une seconde, les cris de détresse, de douleur, souffrances, d’infortune, tout le mal de ces enfants naturels. Un déchirement, une rupture… Paniquée, dans une unique teinte, celle du rouge, ce liquide chaud…

Alexis Grace Williams s’éveillait dans un bond, enroulée dans ses draps. Le point restreint sur l’un de ses seins, en haut du gauche, elle cherchait à entendre ses battements. Un rêve. Elle baissa la tête comme affligée puis replaça correctement sa frange et le reste de ses mèches en soupirant. Elle se leva du lit, avec cette impression, que tout était vrai. Une main sur son épaule dénudée, la jeune femme aimait mettre des significations sur ces nuits. L’heure affichait un début d’après-midi. Décidément, elle avait accumulée de la fatigue. Plus important sur le coup, elle avait faim. Dans un semblant de pyjama, elle ouvrit sa porte, histoire de voir s’il y avait du monde, apparemment non… Pas énormément. Une paire de tong, un short noir de tissu, un tee-shirt trop grand qui tombait sur son omoplate avec lequel elle avait dormit, une tenue difficilement portable en cet hiver mais il faisait bon, beau et elle n’allait pas s’éterniser dehors. Une queue de cheval faite, elle se mit en route, direction le devant de l’université pour y faire deux ou trois courses, une canette de coca, des gâteaux ou un sandwich… Elle aviserait en conséquence. Marchant dans les couloirs, elle salua le peu de connaissances qui s’y promenaient.

La blondinette s’arrêta devant la cafétéria, curieusement, elle sentait une présence. Oui, ça arrivait de temps à autre…Elle colla son oreille au mur, du bruit, c’était peu prononcé mais tout de même là. Tiens, une opportunité, elle pourrait donc prendre son repas aussi de ce fait ? Après tout, pourquoi pas, elle n’avait pas pu se libérer avant et c’était tellement rare qu’elle accorde une visite à ses lieux. Et être représentante de la maison Guilty lui offrait des avantages, pas sur que celui-ci soit dans la liste mais qu’importe. Elle entra, ayant pour tout avouer un peu la flemme de marcher jusqu’à l’extérieur pour raison principale à cette venue. Fermant derrière elle sans faire le moindre bruit, une silhouette se dessinait effectivement devant elle qui s’aventurait dans l’arrière cuisine. Elle s’avança sans plus ou moins de discrétion, elle savait qu’il se retournerait tôt ou tard et c’est en prenant une pomme qu’il dénia montrer ses courbes. Un sourire se fit, sur ses lèvres légèrement pulpeuses et sucrée par les cocktails de la veille, son regard joueur s’en amusait déjà sans ajouter aucunes paroles…

Aucune raison de s’inquiéter puisqu’il était surveillant en ces lieux. Cependant notre jeune homme ne pouvait nier qu’il tendait une oreille lorsque quelques pas s’avançaient dans le couloir. Mais ceux – ci partaient toujours sans se retourner. Depuis dix bonnes minutes, il cherchait quelque chose à manger et surtout : qui lui donne envie d’être mangé. Malheureusement il ne trouvait pas grand chose, tout était froid et il avait cela en horreur. Finalement il opta pour quelques restes de blancs de poulets encore tièdes, qu’il dévora sans trop de manière. Son estomac criait famine depuis bien trop longtemps à son goût.

La texture froide et rêche de la chair blanche le fit grimacer sans qu’il n’émette un seul son, se contentant d’avaler la viande afin de se remplir un peu le ventre. Un soupire franchit la barrière de ses lèvres lorsque le tout fut avalé même si ce n’est pas trois blancs de poulets qui allaient faire cesser les gargouillements de son estomac. Et dire qu’il n’avait même pas eu le temps de déjeuner en sortant de chez lui. Il pesta contre lui – même à cette pensée tandis qu’il se mit à chercher autre chose de comestible dans la cafétéria. Le jeune homme était à présent à quatre pattes sur le sol, cherchant à tâtons dans les placards, mais rien. Un petit grognement sortit de ses lèvres alors qu’il se laissait tomber sur les fesses. Puis, alors qu’il méditait sur comment il allait pouvoir se nourrir autrement, un parfum délicat et familier vint lui chatouiller le nez. Il tourna son visage de gauche à droite, sans rien voir avant de regarder droit devant et de tomber sur le visage d’Alexis. Grillé…

Déglutissant alors qu’il se relevait pour approcher d’elle, Jun heurta son crâne contre le dessous d’un placard, la douleur se propageant subitement comme un spasme. Il plaqua les mains sur sa tête, les yeux fermement clos alors qu’il serrait les dents pour ne pas gémir. Oui, Jun est maladroit et très peu attentif à ses gestes. Il se maudit intérieurement alors qu’il approchait de la jeune femme, la larme à l’œil.


« - Une petite faim Alexis ? »

Contrairement à bon nombre de surveillant qui appelait les élèves par leur nom de famille, Jun préférait abattre les barrières qu’engageaient les proximités. Après tout, il n’était plus appelé par son nom mais bien par son prénom lui aussi, même si le « vous » dans la masse des élèves qu’il ne connaissait pas, était recommandé. Enfin sortit de son esprit, Jun offrit un petit sourire à la demoiselle tout en ôtant la main de sa tête qui lui faisait un peu moins mal.

Le félin ayant trouvé une proie, un large sourire s’élançait sur sa bouche alors qu’il se dévoilait complètement à elle, se retournant, précédemment assis, il se releva lentement mais pas assez prudemment. Elle ferma les yeux, ayant ensuite un moment des épaules comme un haussement, à croire qu’elle avait ressentit la puissance et la virulence du choc et ses effets tous aussi désagréables et douloureux. Ses iris se faisaient observer après quelques secondes, le regardant en percevant cette once blessante du coup. Debout mais les yeux encore clos, il plaqua ses mains sur sa tête vainement pour faire disparaitre cette sensation de mal qui devait aller endolorir ces membres, parcourant longuement son corps, son visage se crispa, il serra les dents comme pour étouffer un cri, un juron. Une larme roula le long de sa joue alors que ses pas s’orientaient vers la jeune femme qui se tenait droite, tout comme son regard qui cherchait à capter les joyaux qu’ils avaient pour prunelles. Ce vert, lors d’un instant, elle se sentit troublée, s’effaçait, le présent fondait pour laisser place à une image de son rêve qui se claqua sur la réalité. Elle secoua discrètement la tête pour s’en défaire.

Il s’adressa à elle, la ramenant décisivement à ce moment. Aussitôt, elle accourra vers sa personne tout en étant attentive à ses mots. Une petite faim ? Pire encore, elle avait les crocs. Son sourire amusé ne la quitta que quand elle vient à poser l’une de ses mains sur l’une de ses épaules. La jeune femme remarquait plus ou moins le fait que ça s’estompait mais tout de même. Le regard droit, parfois un peu trop strict soutenait le sien, ses rubis se confrontaient, maintenaient ses émeraudes. Elle inspira longuement, apercevant la maladresse dans ce manque d’attention qu’émanait de Jun. Jun Nise, un démon, un surveillant. Tous ses détails, elle les gardait pour elle, lui devait se douter de sa nature, sauf s’il avait vérifié ses soupçons en feuilletant son dossier. Le personnel de l’académie pouvait être tenu au courant des différentes natures de ces occupants cependant il fallait une ordonnance du haut de la hiérarchie et en informer le ou la concerné/e ou alors improvisé et se renseigner en allant fouiller de façon illégale. Elle lui demanda, dans une certaine affection :

" Est-ce que ça va ? "

Rien d’alarmant mais quand même. Le fixant dans l’attente de réponse, positivement espérée. Ses doigts de son autre main étaient occupés à tenir la pomme qu’elle avait prise peu de temps avant. Sa paume comme berceau à ce fruit, ses ongles entretenus comme menaces prisonnières. La sphère sucrée et coloré de rouge que ses phalanges encerclaient, aliment défendu qu’Alexis avait hâte de gouter pour assouvir sa faim. En parlant de cela, elle allait rétorquer à son interrogation, qu’elle avait, il est vrai, laissé un peu de coté. Mais avant la demoiselle s’accoutumait de la scène. Elle leva le voile, en déplaçant son bras, caché derrière son dos, ses courbes marquées pour désigner ce qu’elle avait trouvé pour futur repas. Son regard éternellement joueur et son attitude toujours aussi amusée, elle lui tendit car elle savait pourquoi ou plutôt, elle avait deviné ce pourquoi il était ici, elle ajouta donc de sa voix taquine :

" Oui, toi aussi visiblement, ce n’est pas grand-chose mais je te la donne. "

Etrange situation, ça ne vous rappelle rien, un conte divin… Elle poursuivit après cette petite pause, et cette allusion qui lui traversait l’esprit :

" Et puis, je viens de me réveiller, j’étais partie pour sortir, chercher de quoi manger... Je peux encore attendre un peu. Mais toi ...Je suis sure que tu as travaillé toute la matinée, levé depuis je ne sais quelle heure et même que t’as pas eu le temps d’aller te nourrir à l’heure prévue… Je me trompe ? "

Elle était forte… Très forte…

Le jeune homme à l’allure de voyou restait droit face à la demoiselle qu’il connaissait tant et si bien, la toisant d’un regard incertain quant à ses intentions. Alexis était une jeune femme féline et espiègle dont Jun n’aurait jamais pu prévoir les gestes ou les réactions. A croire qu’il ne la connaissait pas tant que ça en fin de compte, et il le regrettait. En revanche il pourrait apprendre avec le temps et en savoir plus sur la jeune femme. En fin de compte ils étaient tout deux dans un milieu dont Jun avait horreur. La cuisine à l’arrière de la cafétéria lui faisait penser à un hôpital où l’hygiène se doit d’être à son summum. Ces tables en acier, les plans de travail toujours rigoureusement nettoyé, le sol d’un carrelage crème… En bref, il n’appréciait en rien cet endroit.

Il dodelina un peu de la tête lorsqu’elle lui demanda si cela allait. Il ignorait la véritable réponse alors qu’une partie de son crâne le lançait encore. Levant son bras, il glissa les doigts entre ses propres mèches afin de masser la partie endolorie. Maladresse. Il baissa lentement son regard sur le fruit d’un rouge sanguin, curieux mais il le prit tout de même entre ses mains, gardant un moment le regard rivé sur la pomme. Enfin, il toisa un peu Alexis et sourit maladroitement alors qu’il passa la main sur sa nuque.


« - Oui… Un élève m’a ennuyé toute la matinée jusque maintenant. »

Il porta le fruit à ses lèvres afin d’y plonger ses canines, arrachant un morceau de ce dernier qu’il croqua à plusieurs reprises avant d’avaler, le jus venant se disperser sur sa langue et dans sa gorge qui longtemps, n’avait pas été désaltérée.


« - Il n’y a pas grand-chose à manger. Les élèves de cette école sont de vrais gloutons. »

Il pouvait parler, lui. Il était peut – être même pire que la moyenne des occupants de la Shaded Academy. Alors Jun se mit un peu à regarder autour de lui tandis qu’il croquait à nouveau le fruit. Tout était désert et pourtant une faible chaleur demeurait à cause des fourneaux qui venaient à peine de se refroidir. Pensif, il détourna son attention sur Alexis, le visage légèrement contrarié par le lieu où ils étaient.


« - Je vais t’attendre dans la cafétéria… »

Osa – t – il, l’expression réellement confuse et en colère. Il ne lui en voulait pas du tout mais il ne s’était pas attendu à s’attarder en cet endroit qui avait une odeur de javèle. Secouant la tête à plusieurs reprises, ses cheveux voletants sous le geste, le surveillant délaissa la jeune femme pour fuir et c’était bien le mot, les cuisines.

Ses mots venaient meublés les lieux, mais elle en silence, comme passive, elle n’ajouta rien, elle ne fit rien. Se contentant de le regarder longuement, ses yeux carnassiers qui dévoraient ses émotions, celles qu’il laissait transparaitre sur ses fins traits. Jun et Alexis se connaissaient, se côtoyaient plus ou moins et elle s’amusait souvent de sa compagnie, l’appréciant grandement. Et malgré ce qu’il pouvait dire quant à la place qu’elle occupait dans sa vie, la demoiselle savait qu’il s’en était entiché. Elle le laissa savourer la pomme, ses crocs se plantant dans cette chair acidulée, s’en octroyant une partie, il prit le temps d’en découvrir le goût, croquant longuement, se délectant du jus qui s’en séparé avant d’avaler le tout. Ah ce fruit, était l’un des préférés du leader Guilty, nature ou habillé de caramel, travaillé en tarte, en compote etc… Cependant sa symbolique restait sombre bien qu’affectionnée de beaucoup : « C’est de la pomme qu’est né tout le mal… » Elle ferma une nouvelle fois les yeux, non pas pour s’imaginer une exquise dégustation mais comme un rappel à son histoire… Où est le lien… Ça… C’est un secret qu’elle gardait bien.

Même si elle aimait penser, songer à ses goûts, elle reporta très rapidement son attention sur son interlocuteur qui dans un élan curieux et brusque la délaissa dans ses bâtisses. Avec un sentiment confus dont elle parvenait à desceller un trait finement belliqueux. Alexis se laissa partir pour seule accroche ces quelques syllabes comme quoi il l’attendrait dans l’autre partie des lieux. Sans même le retenir, ses courbes s’avançaient pour finalement complètement disparaitre. Elle soupira, maintenant seule, elle alla à une fenêtre qu’elle considéra comme très, voir trop petite. Elle l’ouvrit, délicatement avant de faire ce bien triste constat de son être, de son existence. Le démon éloigné, repensant à cette relation, à ces relations toutes confondues… Elle s’en détourna, lançant un bref coup d’œil aux cuisines, rien… Vraiment plus rien à se mettre sous la dent, tout était rangé, tout était vidé jusqu’à demain matin. Elle soupira et passa une main sur son ventre plat, allant outre le tissu qui le couvrait, patience, il ne grognait pas encore, c’était déjà un bon signe. Et c’est les mains maintenant dans les poches qu’elle allait le rejoindre.

La blondinette, légèrement absente, se demandait ce qu’elle était réellement à ses yeux. Oui, ils s’entendaient bien, ils parlaient souvent ensemble, elle le soutenait, l’appuyait. Il lui avait accordé sa confiance, lui racontant quelques fragments de son passé. Mais, bien qu’ils se connaissaient, lui, n’en savait pas autant sur sa personne, bien sur elle s’était allé lui faisant quelques confidences. Et c’était ainsi, toujours ainsi. Elle soupira une nouvelle fois, secouant faiblement la tête comme pour remettre ses idées en place. Puis se revêtit d’un de ses beaux sourires, arrivée devant lui, lui faisant face. La jeune femme s’arrêta et se mit dans le cadre de la porte, épaule contre le bois. Son regard langoureux alla à sa rencontre, avant qu’elle ne se rapproche encore un peu plus, en haussant, jouant de ses clavicules. Relevant la tête, dans un signe l’interpellant :

" T’as du boulot cet aprem’ ? "

Elle ne le forcerait à rien, mais elle trouvait l’idée plaisante de passer ce reste de journée avec Jun. Sauf s’il avait des obligations, elle comprendrait parfaitement. Son initiative qui grandissait dans son esprit, comme une belle fleur qui s’ouvre, se déploie, et elle ajoutait à cette proposition qu’ils pourraient même sortir pour manger. En revanche il faudrait qu’elle se change, mais pas de problème, les appartements de sa confrérie non loin, ses tenues préparées, ou pire elle pourra même y aller ainsi, mais pas sur que le jeune homme soit du même avis. Elle s’amusait de ce contraste dans ces habits. Elle s’imaginait déjà tout un tas de scène et c’est dans ce genre de moment, qu’elle discernait cette faculté qu’elle possédait à s’émerveiller, se contenter, se divertir d’un rien. Et l’une des phrases qui l’animait, était : « Je suis l'enfant de ma mère. L'imaginaire est ma réalité ». [Verseau] Alexis aimait cette rhétorique, autant que les poèmes de Baudelaire qu’on lui assimilait les strophes du Chat, des Fleurs du Mal… Qu'importe, elle attendait sa réponse...

Le calme était revenu en ces lieux lorsque Jun fut passé de l’autre côté de la salle. Les tables étaient parfaitement alignées, de grands rectangles d’une couleur chaude dont les chaises étaient poussées sous ceux – ci. La cafétéria était faite de façon à ce que ses élèves ne manquent de rien durant leurs repas, ou même les professeurs ainsi que le personnel. En bref, la cafétéria était déjà un lieu moins austère que les cuisines. Jun ne pouvait empêcher son esprit de divaguer lentement mais sûrement sur des questions ou des pensées qui l’ôtaient de la réalité avec une délicatesse féline mais vicieuse.

Il eut un mouvement recul lorsque la jeune femme fut soudainement face à lui, le tirant hors de ses divagations avec rapidité. Qu’est ce qu’elle pouvait être belle… Jun se mordit la langue sous cette pensée qu’il ne devait avoir à l’égard d’Alexis. Il n’était pas convenable qu’un jeune homme comme lui, surveillant, pouvait se laisser aller à de telles pensées. Bien que personne ne pouvait les entendre… Ou presque ? Il lui offrit un timide sourire tandis qu’il déposait les mains dans son propre dos, croisant un peu ses bras alors qu’il scrutait le visage de la demoiselle sans paraître gênant ou insistant. Du travail, cette après – midi ? Il n’en avait pas souvenir puisqu’il finissait son service prochainement. Alors pourquoi pas, passer du temps avec Alexis lui changerait les idées et le détendrait de sa matinée.


« - Je termine ma journée dans quelques minutes. On pourrait aller pique niquer en forêt, qu’en penses – tu ? »

Il manqua de rajouter « sauf si tu as trop peur » mais il se contenta de cette phrase, un maigre sourire planant sur les lèvres de l’homme qui se tenait droit, encore et toujours. Il se sentait bien à ses côtés, naturel, même s’il ne lui faisait pas grâce de beaucoup de choses. Ainsi, il tourna son regard émeraude vers les grandes fenêtres de la cafétéria, donnant vue sur la cour intérieure de l’école. Elle était vide. Il ferma un instant ses yeux en amande puis les rouvrit sur le visage blanc d’Alexis, pensif sans être loin et perdu. Néanmoins l’idée d’aller en forêt lui convenait parfaitement, à lui. Maintenant il devait savoir si cela allait au leader, ce qui était tout autre chose. Comment avait – il fait connaissance déjà ? N’était – ce pas sous un cerisier alors que Jun flâner à regarder les pétales tomber dans une harmonie silencieuse ? Possible… Il inspira profondément avant de détourner son attention sur la salle habitée seulement par nos deux jeunes amis.

La forêt, elle le fixa longuement quand il vient à lui proposer cela. Aurait-il pu voir, lire en elle, savoir, connaitre, avoir réellement conscience de son rêve de cette nuit, de son semblant de flashback romanesque quelques minutes auparavant… Impossible et pourtant. Quelle coïncidence, ou fatalité, ou qu’en savait-elle…Troublée en cet instant, son être se déchirait, sans qu’elle puisse laisser paraitre la moindre émotion aux beaux yeux de Jun, ce qui était le plus blessant. Surprise que son choix premier se fasse ainsi. Elle croisa les bras, un sourire amusé sur ses douces lèvres malgré son incompréhension interne, un regard un peu vide qui cherchait l’animation de son passé, de ce que son aura avait besoin pour se nourrir, ses images, ses traits merveilleux qui n’appartenait qu’à elle et à sa mémoire, son invention, tout ce qui relevait du faux… Fermant lentement les yeux, se laissant bercée par ses utopies, elle ajouta faiblement :

" Ça me va. "

Aussi aurait-elle pu lui conter, elle voulait, mais bien vite elle renonça. Elle refoulait son élan par ses simples mots, dont on voyait bien qu’il manquait une suite. Qu’importe, elle espérait ne pas trop avoir piqué sa curiosité, Alexis qui avait du le tirer de ses songes, une nouvelle fois. A quoi pensait-il ? Elle se le demandait c’est vrai, reportant sa vue sur ses courbes plaisantes dont elle se surprenait à parler de Jun ainsi, alors qu’elle ne le devrait pas. Son charme tout de même enivrant, elle se concentrait plus sur l’organisation qu’ils auraient à adopter. Un pique-nique. Elle n’en avait que peu fait, peut être étant petite, au printemps ou en été. C’était chose moins aisé et plus rare en hiver, mais ça ne la dérangeait pas. Distribution des rôles donc, elle en prit l’initiative. Prenant en compte tous les facteurs, le fait qu’il terminait son service très prochainement, autrement qu’elle aimerait bien se changer pour sortir par exemple. Illustrant cela, elle poursuivit :

" Hm que dis-tu de t’occuper de ce qu’il y a à prendre à manger, le temps que je m’habille. On se rejoint là bas ? "

Il approuva, elle fit également un signe positif de la tête, bien, tout était réglé alors. Elle le quitta alors, marchant dans la cafétéria jusqu’à en atteindre la porte. L’ouvrant, prête à partir, elle se retourna, lui faisait un geste de main pour lui dire au revoir, ou plutôt à tout à l’heure vu la situation, ils se retrouveraient que dans peu de temps. S’en détachant complètement, maintenant dans le couloir, Alexis fit le chemin inverse, recroissant quelques personnes qui se demandaient ce qu’elle préparait encore et d’où elle venait. Une fois devant les bâtiments Guilty, elle y entra et elle alla se changer, sans perdre de temps mais sans se hâter non plus avec rapidité et imprécision dans ses activités. Sa vision par delà le verre de sa chambre, en direction de la forêt, certaines questions la bousculaient, ne pouvant les arrêter par leur puissance, elle se laissa submerger tout en ôtant ses vêtements et en se préparant dés lors mais toujours autant pensive…

• Je continue la suite à la forêt, d'où ce post pas super long... Le sujet :
https://shaded-academy.forumactif.org/t357-this-is-like-a-flashback-this-is-like-a-dream-jun#1814