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L'hiver avait commencé à marquer le paysage. Plus aucune feuille ne semblait recouvrir le sol disgracieux. Et la neige, peu présente au début du mois de décembre avait finalement décidé à apparaître en janvier. Les décorations de noël n'avaient pas encore été enlevées et tous les habitants pouvaient contempler les sapins enneigés et fabriquer, à l'aide de leurs enfants, de magnifiques bonhommes de neige. L'un d'eux avait attiré l'attention de Gabrielle. Bien rond et imposant, il portait l'écharpe de son père et son étrange bonnet. Ces vacances de noël avaient été les premières passées avec son père adoptif à l'air libre, dans un lieu agréable, sans perfusion ni opération. Ne voulant quitter l'établissement scolaire, son père avait décidé de louer deux chambres d'hôtel afin de fêter le réveillon comme il se devait. Papa poule, ce dernier avait veillé à ce que sa fille ne manque de rien, que ce soit en friandise, en dinde, et en cadeaux. Sa chambre en était d'ailleurs comblée, et elle ne parlait pas des kilos qu'elle avait pris...

Bien résolue à se remettre au sport, Gabrielle s'était décidée sur un exercice qu'elle avait tout de suite pratiqué après la réincarnation de la biche : le patinage. Qu'il était bon de se sentir voler à travers la pièce sans pour autant quitter le sol. Une agréable sensation qui l'avait rapidement rendu accroc. Les patins chaussés, une écharpe et des moufles pour lui tenir chaud, et la voila partie sur la glace. Un saut de valse puis une demi boucle avant de terminer par un flip. Assez douée pour si peu de cours, elle devait surement cela à l'agilité de la biche de Cyrénie. Légère comme l'air, elle continua durant une demi-heure, profitant d'une glace vide, ou presque. L'avantage avec le pensionnat était la promiscuité avec les magasins et les salles pour les pratiques sportives. Ce n'était d'ailleurs pas le seul intérêt. Des amis, des sorties nocturnes, des responsabilités et une liberté à en faire ravir plus d'un. Bien évidemment, dans ce genre d'environnement, l'internet n'était pas l'occupation des jeunes, permettant ainsi une véritable socialisation des étudiants.

Fatiguée après tant d’effort, elle quitta la glace afin de se restaurer. Tout comme les grandes patinoires, cette dernière proposait des collations et même quelques pâtisseries dans une salle à l'entrée du bâtiment. Très connu pour la gentillesse du propriétaire, les étudiants appréciaient converser entre amis devant un bon verre. Faute de chance pour elle, Gabrielle ne reconnut personne dans les environs. Néanmoins assoiffée, elle commanda un jus d'orange ainsi qu'un petit pain au chocolat. Peut-être allait-on l'aborder; qui sait ? Un petit coup d'œil en avant, en derrière, sur les côtés. Pas de papa à l'horizon ! Elle était libre de faire ce qu'il lui plaisait !

Jophielle avait enfin fini de découvrir l'établissement. Ce ne fut pas une mince affaire et une semaine n'était pas de trop pour en faire le tour. En cette froide et neigeuse journée d'hiver, elle n'avait qu'une envie partir découvrir la ville. Elle passa donc les portes de l'école pour la première fois dans l'intention de faire connaissance avec les alentours. Le campus de la Shaded Academy lui paraissait déjà immense mais c'était sans compter l'étendu de la ville dans laquelle il se situait, en effet, la principale différence entre l'Allemagne et les Etats-Unis, c'était avant tout une question d'échelle. Les proportions semblaient démesurées. Jophielle traversa des rues et des avenues gigantesques, elle avait gardé l'habitude de sourir aux passants. L'Amérique était vraiment un continent surprenant, à chaque pas elle était complètement captivé et submergé par une curiosité sans bornes.

Enfin à l'angle de la dix-septième avenue et de le troisième rue, Jophi trouva une patinoire. Il va de soi qu'elle fut immense. Jo' resta quelque instant devant, figé sur le trottoir d'en face, observant la foule de monde, qui entrait et en sortait sans pour autant sembler être serré ou étouffer le moins du monde dans la masse. Il y avait tellement d'espace. Après délibération, Jophielle décida d'en faire sa sortie du jour, elle traversa rapidement la route sur le passage clouté et entra par la grande porte, il s'agissait de portes coulissantes comme dans les centres commerciales. Le hall était lui aussi effarant, aussi raffiné que celui d'un hôtel, au centre deux femmes étaient chargées de vendre les entrées, le comptoir était un cercle au centre de cette pièce circulaire, l'architecture était harmonieuse et impressionnante.

Jophielle s'approcha de la dame à l'accueil et commença à demander une place étudiante, son anglais était loin d'être parfait, et on pouvait entendre son léger accent allemand. Après quelques manipulations informatique, une machine cracha un petit billet, que l'hôtesse d'accueil lui tendit, avec amabilité. Jophielle le prit puis passa par une porte où un monsieur de la sécurité d'une taille imposante, munit d'un costume noir et d'une oreillette, contrôla son billet, la laissant entrer.

La pièce suivante n'était pas moins surprenante que le hall, devant elle un étalage qui s'étendait d'un bout à l'autre de la salle et sans doute comprenait-il plusieurs rayons derrière ceux visibles. Des patins remplissaient les cases des étales, des centaines, non des milliers de patins de toutes tailles, tous identiques. Jophielle fit la queue derrière trois jeunes filles certainement plus jeune qu'elle, elles semblaient faire partie de la Shaded Academy. Cette sortie s'annonçait enrichissante. Une fois munit de ses patins, Jophielle les enfila sur un banc mit à disposition devant les étales. Puis elle suivit la foule qui se dirigeait vers une salle gigantesque.

La patinoire était indescriptible tellement sa taille dépassait tous ce qu'avait pu voir la jeune fille jusqu'à maintenant. Il y avait des gradins tout autour, où les gens se posaient lorsqu'ils étaient fatigués, de nombreuses familles s'y retrouvaient. Au centre une étendu de glace sans précédent. Jo' s'en approcha timidement, elle avait déjà fait du patinage en Allemagne mais rien de comparable. Une fois sur la glace, elle retrouva vite ses habitudes, les hivers sont rudes dans son pays natal, tous les hivers une patinoire est installé devant l'hôtel de ville, invitant tous les citoyens à s'y retrouver. Seulement, le nombre de patineurs étaient bien inférieur à celui qu'elle pouvait imaginer ici. Au bout de quelques tours, épuisé et surtout assoiffée, Jophielle se rendit au bar, lui aussi dans un style d'hôtel de luxe, reprenant le genre du hall d'entrée. Au bar, Jophi commanda une limonade, elle s'assit à côté d'une jeune fille sensiblement plus jeune qu'elle. Soudain, Jo' eu de nouveau cette impression bizarre, celle qu'elle avait ressentie lors de sa rencontre avec Anatole et Rose. Jophielle en déduit donc qu'elle avait à faire une fois de plus à un ange. Il était donc certain que la jeune fille faisait elle aussi partie de la Shaded Academy. Jophi tenta de l'aborder chaleureusement, un sourire joviale et tendre s'affichait sur son visage.

Bonjour, tu es aussi de la Shaded Academy n'est-ce pas ?

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Le petit pain ne fit pas long feu. Comme à son habitude, elle le décortiqua par le dessus avant d'atteindre le chocolat qu'elle dégusta avec ses doigts. Sur toute autre personne, cela semblerait bien cochon mais sur la jeune Gabrielle cela étayait son côté enfantin. En effet, par son physique, la jeune fille ressemblait plus à une enfant qu'à une jeune adolescente. Bien compliqué tout ça lorsque l'amour n'est pas loin. Elle en avait rencontré des garçons : Brun, blond, typé, blanc comme neige, mais à chaque instant son physique la trahissait. "Quoi ? Quinze ans ? Tu n'as pas oublié le lait petite ?" Bien évidemment, cela avait le don de la mettre en rogne et à cogner jusqu'à ce que le garçon comprenne sa douleur. Mais cela commençait à faire trop ! Elle n'en pouvait plus. Où était-on l'homme de sa vie ? Celui qui irait l'emmener à la fête foraine, lui payer plein de friandises et lui gagner une peluche au stand de tir. Celui qui, lorsqu'elle aurait froid, n'hésiterait pas à lui offrir son manteau sans pour autant faire le gros loveur... Cet homme ne devait pas être si loin tout de même ! Après tout, il y en avait beaucoup dans l'academy. Peut-être avait-elle tout simplement mal cherché... Dépitée, elle but d'un trait son jus d'orange et fit tomber sa tête sur la table. Laissée pour ivre morte, personne ne fit attention à elle. Enfin, presque.

Bonjour, tu es aussi de la Shaded Academy n'est-ce pas ?

Quelqu'un venait de lui parler. Cependant, elle n'avait pas la force de lui répondre. Fatiguée, elle était fatiguée... Est-ce que les biches hibernaient l'hiver ? Elle ne s'était jamais posé la question ! D'ailleurs, elle ne s'était pas non posé la question de cette soudaine envie de se mettre nue à chaque instant... Sa personnalité, ses habitudes avaient totalement changé après la réincarnation de la biche ! L'horreur. Elle était devenue une fille perverse... Non, pire ! Elle était une exhibitionniste... Une nudiste même ! Elle avait finalement mal tourné... Épuisée, elle n'arrivait pas à prononcer une seule parole. Cependant, il fallait se ressaisir... Qui sait ? Peut-être était-ce un vampire qui était venu l'aborder? Ou bien même un démon ! Ils voulaient la manger... Elle, la si douce Gaby. Quelle horreur... Son joli sang tout chaud à la portée de ces individus. Jamais ! Avec toute la volonté du monde, Gabrielle quitta la tranquillité de la table pour revenir à la réalité. Devant elle se trouvait une jolie jeune fille à l'apparence angélique.

*Un ange ?*

«Oui, oui.» Chuchota-t-elle avant de bailler. «Pardonne-moi, mais j'ai un terrible coup de barre... »

Jophielle était quelque peu surprise par l'attitude de la jeune femme. Elle semblait fatigué, et ne prêta pas grand intérêt à son arrivé. Peut-être attendait-elle quelqu'un d'autre ? Jo' sirota sa limonade, l'observant plus attentivement. Ce n'était pas un ange tout à fait ordinaire, il y avait autre chose...

Oui, oui. Pardonne-moi, mais j'ai un terrible coup de barre...

Jophi l'avait bien comprit, et comme à son habitude, elle ne voulu pas déranger. Ainsi, elle commença à préparer son départ.

Ce n'est rien, je vais y aller, tu peux te reposer tranquillement. On se croisera sans doute à l'academy. Je suis la responsable temporaire du club de Baseball & Softball, si tu veux passer au club ou même mieux t'y inscrire, n'hésite pas.

Jophielle avait un sourire radieux, elle faisait un peu de pub pour le club qui ne comprenait alors que deux membres, ce qui ne constitue pas encore un équipe. Qui plus est sa détermination était sans bornes pour faire revivre ce club. Jophielle avait été voir la secrétaire de l'établissement pour lui demander une simple inscription, en quelques instants, elle s'est retrouvé pour la première fois de sa vie à la tête d'un club, sous le nom de "responsable provisoire". Soudain, elle réalisa qu'elle ne s'était pas présenté correctement.

Ah, j'oubliais, mon nom est Jophielle, Jophielle Yamery.

Jo' lui adressa un doux sourire. La jeune fille semblait exténué, par compassion, elle décida de la laisser. Jophi commença à lui tourner le dos puis rejoignit la patinoire, elle fit un tour ou deux puis, se rendit aux vestiaires. Elle s'assit sur un banc libre. Commença à défaire les lacets de ses patins, un véritables enfer, ils étaient trop serrés. Au bout d'un quart d'heure, elle finit par soustraire ses pieds des drôle de chaussures, puis les apporta au monsieur derrière le comptoir.

Voilà pour les patins.

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Elle était partie. Là, la laissant seule comme une idiote sur une table remplie de miettes de gâteaux et de jus. Elle était en plein cauchemar ! Comment pouvait-on songer à laisser une si adorable petite fille de quinze années dans ce genre de situation humiliante ? Elle voulait mourir ! Oui, une seconde fois. Mais là, la situation était bien plus grave. Ce n'était pas une maladie qui était en train de la rogner de l'intérieur, mais sa fierté bafouée en mille morceaux ! Non ! Elle devait faire quelque chose et vite. Des hommes aux intentions bien douteuses allaient surement vouloir la kidnapper ! Profiter de ce magnifique corps qu'était le sien. Peut-être allait-on la forcer à tourner dans des films obscènes ? Son père allait la découvrir dans des positions bien fâcheuses et il en serait tourmenté à jamais ! Mon pauvre papa pensait-elle dans son sommeil qu'elle tentait tant bien que mal de fuir. De même, elle le sentait, il n'y avait pas uniquement des êtres innocents dans cette pièce. Des démons rodaient. Bien qu'ils n'aient pas connaissance de sa race, il pouvait la prendre pour un ange ! Oh là là... Et lorsqu'ils comprendraient leur bévue, il sera déjà trop tard. Ils auront gouté au sang sacré. Ils la mangeront comme un pitoyable poulet. C'est triste. Il lui restait néanmoins une chance de se sortir de cette situation ! Retrouver la jeune fille qui s'était présentée à elle quelques temps plus tôt. Elle lui demanderait sagement de la raccompagner à l'établissement puis lui ferait une leçon de moral sur la non assistance des personnes en danger ! Hum, quel bon plan. Mais comment le réaliser ? Elle était avachie sur une table... Pour l'instant, les gens ne semblaient pas s'inquiéter plus que ça. Peut-être pensaient-ils qu'elle se reposait quelques instants après sa magnifique performance sur la glace (*PAN*).

Rapidement, elle entreprit de trouver le barman. Celui-ci aimait particulièrement passer entre les tables pour servir les jolies filles. Quel dragueur... À quarante ans, tout de même ! Enfin, là n'était pas le problème. Il fallait qu'elle lui chope la main et vite ! Ouvrant les yeux comme elle put, elle le vit passer de table en table sans s'approcher d'elle. Elle était maudite ! Personne n'allait commander près d'elle ? Étaient-ils à ce point pauvre pour ne pas se payer une collation supplémentaire ? Qu'était-elle en train de penser ? Ce n'était pas son habitude. La jeune fille avait toujours eu un caractère très humain. Jamais elle ne s'était attaquée aux gens de cette manière. Les mauvaises situations semblaient rendre bien nerveuse notre Gabrielle et son caractère en était fortement affecté. Après une dizaine de minutes d'attente, Gabrielle eu enfin l'occasion de choper le barman par le pantalon.

«Dix tasses de café s'il vous plait... »

Rien de choquant pour ce barman qui voyait passer les fous par dizaine chaque jours. Enfin, la première étape de son plan "Sauvons la pauvre Gabrielle" était terminée. Il fallait à présent attendre et trouver le courage de boire les cafés chauds amères... Rien que d'y penser, elle en avait déjà la nausée. Quelle horreur... La boisson était arrivée. Dix petites tasses de café étaient positionnées devant elle. Une par une, elle les buvait au plus grand étonnement du barman. Boire du Wisky à la bouteille cul-sec, pourquoi pas. Mais se brûler la langue de cette manière. Jamais il n'avait vu pareil masochiste. De son côté, Gabrielle tentait bien que mal de terminer ce supplice. Rapidement, la caféine fit effet et son corps put de nouveau affronter la fatigue naissante. Vite ! Elle devait retrouver la jeune fille. Marchant d'un pas décidé, elle la trouva près du stand à patin. Vu le gabarie, elle pourrait tenir le coup jusqu'au pensionnat. Délicatement, elle se mit face au dos de la jeune femme et y monta. Tel un petit singe, elle était à présent bien accrochée. Néanmoins, pour éviter de s'y faire déloger, elle devait donner les mots magiques.

«Gabrielle C. Askolein. Chef de la maison Full Moon. J'ai des relations et de l'argent. Conduis moi jusqu'à mon dortoir, tu seras un amour. Ah oui, s'il te plait. » Dit-elle avant de se rendormir.

Jophielle avait à peine rendu ses patins qu'elle sentit une lourde charge sur son dos, l'accablant. Jo' n'était pas bien épaisse, et la personne qui venait d'élire domicile sur ses épaules, ne lui parut pas légère.

Gabrielle C. Askolein. Chef de la maison Full Moon. J'ai des relations et de l'argent. Conduis moi jusqu'à mon dortoir, tu seras un amour. Ah oui, s'il te plait.

Sa voix lui rappelait celle de la jeune fille du bar, que Jophielle avait abordé, puis laissé gentiment, car elle ne voulait pas la déranger. Toutefois, la petite Gabrielle semblait avoir besoin de compagnie. Jophi était toujours prête à aider son prochain, mais le ton qu'avait prit la jeune fille déplu un peu à Jo'. Elle semblait la prendre de haut, Jophi n'était pas à son service. Jophielle commença donc à faire descendre Gabrielle doucement et délicatement de son dos, elle se tourna face à elle, lui prit les épaules avec tendresse, lui adressa un sourire lumineux.

Je veux bien t'accompagner jusqu'à ta chambre, mais si je le fais c'est juste parce que je le veux bien, je n'ai pas besoin de ton argent, mais juste d'un peu de respect.

Jophielle prit sa protégé par le bras, elles passèrent doucement dans les rues, Gabrielle semblait quelque peu fatigué. Jo' était un peu attendrit par cette jeune fille, elle semblait beaucoup plus jeune qu'elle, mais surtout, Gabrielle lui faisait de la peine, elle semblait avoir besoin d'aide, son caractère était empreint d'une teinte de mauvaise fois, que l'ange Jophielle pouvait ressentir. Elles passèrent dans les ruelles de la ville avant de s'approcher des portes de l'academy.

Nous sommes bientôt arrivé, dans quel bâtiment es-tu ?

Jophielle regarda les alentours, le temps d'arriver jusqu'à l'academy, le soleil avait éteint ses rayons, laissant place à la douce et gracieuse lune. L'aire d'hiver commençait à se faire plus frais, quelques flocons de neige qui s'éparpillait au fil des courant d'airs.