Je te le dis texto. Je hais les choux de Bruxelle. Celui qu’a eut l’idée de vendre ce plat dans les cafétéria, était sûrement vachement plus machiavélique que Voldemort, et aussi plus intelligent. Parce que qu’est ce qui faisait souffrir le plus les élèves que de la bouffe dégueu ?
Je ne parle pas pour les anorexiques qui mangent une feuille de salade et vont se faire vomir les boyaux ensuite. Evidemment.
Moi, je parle de ce type là, mais si tu le vois, le beau gosse aux cheveux noirs, longs, avec un bandana. T’as pas remarqué son tee-shirt rouge ? Son pantalon de cuir ? Ses magnifiques yeux verts ?
Mais si celui qui regarde son plat comme s’il allait vomir dessus rien qu’en sentant l’horrible odeur qui s’insère dans ses narines et qui paraît également s’imprégner sur ses vêtements.
Ce type là, c’est moi, et croyez moi que c’est bien parce que j’ai l’estomac vide que je ne gerbe pas.
Les choux de Bruxelle, c’est aucun doute le sixième plus mauvais plat au monde, juste devant la tarte au poisson et pas loin après les endives. Je préfère encore crever la dalle que continuer à supporter ça. Je me lève. Y a les douze filles à ma table qui piaillent « Chocolate chéri ne nous quittes pas », mais moi je les quitte quand même. Elles sont mignonnes tout pleins (bien que ça soit moi le plus mignon au final) seulement le devoir m’appelle.
J’entends par devoir : la poubelle pour y jeter mon plat.

En chemin j’aperçois un joli petit bout de fille. Petite, mignonne, à croquer, bien que ce n’est pas moi qui irait la manger. Je veux dire, je suis en chocolat, c’est moi qu’on dévore (surtout du regard), pas l’inverse. Mais si je la remarque, c’est pas parce qu’elle est charmante, c’est juste parce qu’elle a l’air perdu. Y a deux raisons possibles à ça :
* Soit elle vient d’arriver à l’academy (un peu comme moi qui n’y suit pas depuis longtemps)
* Ou soit… Et bien elle insupporte les choux de Bruxelle (on ne peut pas lui en vouloir) et se demande bien ce qu’elle va pouvoir manger.
Moi j’ai rien à lui proposer comme nourriture. Quoi que j’ai bien Cacao, entrain de dormir dans mon sac, mais elle n’est pas comestible. Et je donne pas à manger ma tarentule.

Puis y a un truc qui m’intrigue chez la demoiselle, c’est qu’elle n’a pas l’air du tout intéressé par moi. Les filles en général (e peux pas leur en vouloir) elles ont les yeux braqués sur ma jolie gueule, ou bien mon corps de rêve, mais pas elle. C’est un peu comme si elle ne me voyait pas. Alors j’utilise ma plus belle démarche, je lui lance un sourire ravageur, et… Que dalle.
Autant dire que ça touche mon égo, et j’oublie la poubelle. Mon plateau à la main, je dérive vers la mignonne. Je me pose à deux pas d’elle sans qu’elle me regarde plus.

- Hey salut, t’es perdu ? Tu cherches quelqu’un ? Tu détestes toi aussi les choix de Bruxelle ? Dans ce cas là je suis le garçon de la situation.

Tac, grand sourire.
Prends toi ça beauté, et ne me résiste plus.
Pour avoir aucune réaction à ce moment là, faudrait qu’elle soit vraiment aveugle !
Quoi que j’aurais peut-être dut passer à la poubelle avant, j’ai toujours les choux de Bruxelle sous le pif, puis pour draguer/séduire/plaire, c’pas pratique. Non seulement c’est dégueulasse, mais en plus c’est un vrai tue l’amour.
Tant pis, y me reste mon sourire. Mes beaux yeux. Mon charme ravageur. Ma voix de feu. On est un paquet de phéromones sur pattes, ou on ne l’est pas.
Moi je le suis. Avec ou sans choux de Bruxelle (même si j’aurais préféré sans).
Regarde moi ma jolie, et admire.

Luna dormait. Ou peut-être pas d'ailleurs. Mais elle avait les yeux fermés. Ce qui ne changeait pas de d'habitude. Allongée sur sont lit, elle réfléchissait. Elle pensait à son frère, toujours pas retrouvé, à Kevin qui l'avait tant couvée quand elle était là-haut, au Seigneur qui l'avait chouchoutée ... Elle se sentait si seule, abandonnée dans la cour des grands alors qu'elle se sentait encore petite fille. Le monstre de la solitude, tapi dans sa poitrine, lui rongeait le coeur, lui plantait ses griffes au plus profond de sa chair. Durant toute son enfance, Luna avait toujours été avec son jumeau ou Linda, ou même les deux à la fois. Et être délaissée lui faisait horriblement mal.

Elle se leva doucement, et s'assit sur son lit en tailleur, ses yeux vides fixés sur la porte de sa chambre. Il fallait qu'elle bouge, qu'elle se trouve des amis. Elle en avait bien sûr, mais encore fallait-il les dénicher, et ce n'était pas mince affaire. Il y avait évidemment Persepolis, Beverley ou Evangeline ! Mais ils étaient sûrement en cours à cette heure là. Il fallait donc qu'elle imagine autre chose, un moyen de distraction original, qui la changerait de sa routine.

Et là seule chose qui lui vint à l'esprit, c'était de voler. Mais pas seule. Elle n'avait pas le droit. C'était bien trop dangereux. Elle pouvait partir loin, et ne jamais revenir. Elle pouvait monter trop haut, et finir brûlée par le soleil. Elle pouvait percuter des objets aériens - avions comme oiseaux - et tomber. Bien sûr, elle ne pouvait plus mourir. Elle l'était déjà. Mais ça faisait toujours mal, de faire une chute de plusieurs kilomètres de haut. Enfin, c'est ce qu'elle imaginait du moins.

Sauf que non. C'était impossible. Alors elle laissa les heures passer, encore. Toujours. Elle attrapa un livre, n'importe lequel, elle s'en fichait. Deux cierges pour le diable. Gallego Garcia. Un livre qu'elle adorait particulièrement. Elle l'ouvrit à la première page, et ses doigts coururent sur les mots de braille qui n'avaient, pour sans aucun doute 99% des personnes présentes dans l'académie, aucun sens. Sa main bougeait vite, déchiffrait sans difficulté et l'histoire se forma dans l'esprit de la jeune ange. Il y avait bien sûr la notion de couleur, qu'elle ne connaissait pas. Des mots dont elle ne connaissait pas l'image. Mais elle s'en moquait. C'était beau, et cela lui suffisait.

Puis au bout de quelques heures, elle bougea enfin. Lassée de rester allongée sur son lit, toujours aussi seule, elle décida d'aller à la cafétéria. Il y avait toujours du monde là-bas. Ce qui voulait dire une distraction temporaire et une possibilité de lier une nouvelle amitié. Ce à quoi elle aspirait ardemment. Sauf que cela signifiait aussi des tas de personnes pour se moquer d'elle, de son infirmité. Et c'était la partie la moins alléchante de l'idée. Mais bon, il fallait bien qu'elle assume de temps en temps ! Qu'elle prenne son courage à deux mains ! Qu'on ne soit pas toujours obligé de la materner.

Elle quitta donc sa chambre et suivit l'odeur de nourriture. Dégoutante, répugnante, repoussante. Des choux de Bruxelles, assurément. Ecoeurant. Cela dit, être une ange avait certains avantages. Comme n'avoir pas besoin de manger, par exemple. Ni boire. Ni dormir. Plus ses pas la rapprochaient de la cafétéria, plus le brouhaha ambiant augmentait. Ses longs doigts fins frôlaient le mur pour la guider, et le bruit assourdissant ne l'aidait pas à se repérer par rapport aux autres. C'était assez pénible, cela dit.

Plantée au milieu du self, enfin de ce qu'elle pensait être le milieu vu qu'elle avait lâché le mur depuis un bon petit bout de temps, elle faisait semblant de chercher. Mais ça ne dupait presque personne, à part les petits nouveaux. Partout, elle entendant son surnom la désignant comme L'Aveugle. Oui, elle était aveugle, et alors ?! Elle n'avait pas le choix de toute façon, alors autant qu'elle l'accepte. Devant cet afflux soudain de monde, le monstre s'était retiré loin. Pour quelques secondes, quelques minutes, et au mieux, quelques heures.

- Hey salut, t’es perdu ? Tu cherches quelqu’un ? Tu détestes toi aussi les choix de Bruxelle ? Dans ce cas là je suis le garçon de la situation.

Luna sursauta violemment, et se retourna brusquement vers l'origine de la voix, toute proche d'elle. Elle ne l'avait pas entendue arriver. Cela ne lui ressemblait pas. D'habitude, son ouïe était plus fine que celle des gens normaux. Habituée depuis l'enfance à se repérer grâce ses autres sens, elle avait une perception presque meilleure que les humains voyants. Mais les discours alentours la perturbaient.

"Euuh ... Je ne sais pas. Je ne sais pas qui chercher, à vrai dire. Oui, on peut dire que je suis perdue. Je crois. "

Elle se tut un instant. La personne qui venait de lui parler était un garçon. Une jolie voix, plutôt suave, presque charmeuse. Le physique allait-il avec ?

"Oui ... C'est assez répugnant, les choux de Bruxelles."

Conversation banale, mais plutôt bienfaisante. Les griffes s'étaient retirées, et Luna arrivait à mieux respirer malgré tous les regards qu'elle sentait posés sur elle. Heureusement qu'elle avait rentré ses ailes ... Un peu plus et ce serait L'Ange Aveugle. Le AA, quoi. Complètement stupide.

« Oh les beaux yeux verts », voilà ce que j’avais entendu à peu près toute ma vie. Que ça soit les hommes, les femmes, les enfants, les vieilles dames, les vieux cons monsieur, les travestis, les drogués, ou même ma vieille tante folle, tous aimaient me dire à quel point j’avais : de magnifiques yeux.
Normal, puisque c’est le cas.
« Oh les beaux yeux verts », c’est ce que cette demoiselle aurait pu me dire (ou penser), si à un moment les siens avaient croisés les miens. Seulement elle regardait, à côté de moi, ou bien mon torse, mes pieds, mon bras gauche, mon front, mais jamais droit dans les yeux.
Timidité ? Crainte ? Autre chose ? Le regard de la jeune fille ne semblait pas savoir où se poser, et paraissait me fuir comme si j’étais hideux, c’était très vexant.

Je devrais remédier à cela, lui mettre la main sous le menton et plonger mes yeux dans les siens, lui sourire comme jamais on ne lui a sourit, et rendre son cœur fou d’amour pour moi. Chocolate Love attaque coup de foudre.
Cependant, n’étant pas un Pokemon, je décidai plutôt d’écouter ce qu’elle me racontait. Ce n’était pas forcément très clair, elle n’avait même pas l’air de savoir ce qu’elle venait faire ici elle-même, mais au moins elle se ralliait à mon avis sur les choux de Bruxelle.

- Répugnant, comme tu dis, les choux de Bruxelle sont une abomination.

Il devrait y avoir une prison pour ces légumes verts, moches et ronds, et d’ailleurs il devrait y avoir une prison pour tous les aliments si mauvais qu’ils ne devraient pas avoir le droit d’exister. Alors le monde serait plus beau, et surtout meilleur à manger, la nourriture deviendrait un véritable plaisir et plus un supplice. Nous ne verrions plus des enfants devant leur assiette se faire engueuler « finis de manger ou pas de télé » et ainsi tous vivraient en paix. Mais plutôt que d’expliquer tout cela à la demoiselle, je changeai de sujet.

- Oh au fait, je m’appelle Chocolate Love, et tu peux m’appeler Chocolate.

Présentation faites, je me dis qu’on ne va pas rester planté là comme deux arbres au milieu de la cafeteria, surtout que j’ai toujours mon plateau dans les mains, et que l’odeur nauséabonde des légumes commence sérieusement à me pourrir dans les narines.

- Attrape mon bras ma jolie, je dois passer jeter ces affreux choux de Bruxelle, et ensuite je pourrai t’aider à trouver ce que tu cherches.

Se faisant, je case mon plateau sur une main et glisse l’autre sous le coude de la jeune fille, attrapant ainsi moi-même son bras. Je marche doucement :
Première raison : je ne veux pas que mes couverts tombent, et que les choux de Bruxelle se ramassent sur le sol comme des petites crottes de cheval vertes que je devrais ramasser ensuite (rien que l’image que j’ai utilisé pour décrire la scène est déjà assez répugnante à elle toute seule, pour que je n’ai pas envie que cela arrive vraiment).
Deuxième raison : je vais pas courir un marathon alors que j’ai une jeune fille à mon bras. D’ailleurs quand j’y pense, même sans elle je n’aurais pas ressenti l’envie de courir un marathon. Pas dans la cafet’. Pas devant les gens. Pas non plus dehors, sur un terrain de course, devant personne. Je ne me mettrais à courir que si un assassin fou me poursuivait, et je sais que les choux de Bruxelle peuvent être potentiellement dangereux, mais pas à ce point.

Devant la poubelle magique, je jette la nourriture que je n’ai même pas entamé, pensant à tous ces enfants dans le monde qui meurt de faim et qui ont de la chance de ne pas connaître les choux de Bruxelle. Puis je pose mon plateau.

- Maintenant que nous sommes débarrassés de ces affreux légumes, dis-moi ce que tu es venu faire ici ? Manger ? Boire ? Discuter ? Trouver ton petit-ami ? Faire du jonglage avec les assiettes ? Je peux sûrement t’aider, au moins pour le dernier point.

[hrp : pour le regard de luna, j'ai mis ça parce que comme elle est aveugle je pensais qu'elle regardait toujours de côté et pas forcément au bon endroit voili voilou, j'espère que ça te convient >< ! Et désolé d'avoir mis si longtemps à te répondre, je prends toujours des plombes pour mes postes]

Luna ne le fixait pas vraiment. Elle posait juste son regard vers sa silhouette, où plutôt, l'endroit d'où sa voix provenait. Peut-être était-ce ses jambes, son épaule, son torse. Ses cheveux, son visage, sa bouche, ses joues, son genou ... Elle n'en savait rien. Cependant, elle essayait de garder la tête plutôt haute, pour ne pas "regarder" le sol. Elle était timide, certes. Mais pas au point de rougir n'importe quand en parlant à n'importe qui. Puisqu'elle ne pouvait pas voir ses interlocuteurs, de toute façon ...

Ce qui permettait en soi de cacher ses propres yeux à ceux du garçon. Ses yeux si bleus, et pourtant si vides et glacials. Morts. Éteints. Terrifiants. Pour certains du moins. Gênants. Embarrassants. Les adjectifs pour les qualifier ne manquaient pas. Quelques uns les trouvaient beau, dotés d'un petit quelque chose qui leur donnait un certain charme. Luna ne les avait jamais vu, bien sûr. Elle ne savait pas ce qu'était le bleu, le vide, la glace. Elle savait juste qu'elle avait des yeux bleus qui ne marchaient pas. Et qui n'avait jamais marché.

- Répugnant, comme tu dis, les choux de Bruxelles sont une abomination.

Bon, cela leur faisait déjà un point commun. Mais cela ne les rapprocherait peut-être pas pour autant. Après tout, nombre de gens détestait les choux de Bruxelles. Luna n'en avait mangé qu'une seule fois, quand elle avait séjourné au dessus des nuages avec ses "tuteurs". Luna eut un petit sourire, en coin. Imperceptible, pour celui qui ne faisait pas attention. Et comme son visage était légèrement penché vers le bas, il était presque impossible que l'étudiant - enfin, elle supposait que c'était un étudiant mais ç'autait très bien pu être un prof ou quelque chose du genre - ait pu le voir. M'enfin, presque.

- Oh au fait, je m’appelle Chocolate Love, et tu peux m’appeler Chocolate.

Luna releva légèrement la tête, essayant de caler au mieux son regard vers la hauteur du son. De l'origine quoi. De la bouche, donc. Son sourire s'accentua légèrement, mais ce n'était pas par joie. Plus par courtoisie, par gêne aussi. De ne pas s'être présentée avant. Cela dit, elle n'était pas totalement en tort puisque c'était lui qui l'avait accostée. Enfin, tout ça pour dire que son sourire était un peu faux, sans être hypocrite. De toute façon, il était rare de voir la jeune fille sourire vraiment, à pleines dents, et de vraie joie. C'était presque impossible en fait ... Avant oui. Plus maintenant. Plus depuis qu'elle n'avait plus son frère, son jumeau, sa moitié. Pas avant qu'elle ne le retrouve ... Son sourire s'effaça doucement.

"Enchantée, Chocolate. Je m'appelle Luna. Luna Starlight. Mais Luna suffira !"

Chocolate ... Chocolat. Love. Amour. Etait-ce un pseudonyme qu'il s'était donné, pour démarrer une nouvelle vie, une nouvelle histoire, où s'appelait-il vraiment ainsi ? Cela dit, elle ne pouvait pas tellement parler. Il était le chocolat et l'amour, elle était la lune et la lumière des étoiles. Son nom était plus poétique, plus doux. Il amenait plus d'images enchanteresses. Quoique ... Pour les fous de chocolat, Chocolate devait en inspirer beaucoup. Et avec un peu de chance pour lui, Dame Nature l'avait bien doté. Mais ça, elle n'en savait rien.

- Attrape mon bras ma jolie, je dois passer jeter ces affreux choux de Bruxelles, et ensuite je pourrai t’aider à trouver ce que tu cherches.

Ma jolie ? Apparemment, c'était un dragueur. De ceux qui charment les filles pendant quelques jours avant de les quitter pour une autre. Un éternel cycle. Sans fin. A moins qu'il ne soit plus fidèle que cela, plus respectueux du genre féminin. Auquel cas devait-il s'attarder quelques semaines ... Kevin lui avait toujours dit de se méfier de ces gens là, qui profiteraient de son handicap. Qui abuseraient d'elle. Mais depuis toute petite, Luna n'avait vu que la face blanche des choses, et elle n'avait ouvert les yeux que depuis quelques petites années. Et cela n'était pas encore suffisant pour qu'elle comprenne la véritable horreur des hommes, et l'inhumanité même de certains êtres vivants. Sunrise lui avait toujours montré la vie en rose, cachant et gardant pour lui même la face noir, celle qu'il valait mieux ne pas connaître.

Elle sentit alors une main qui lui attrapait doucement le coude, et elle sursauta légèrement. Elle n'était plus trop habituée au contact, depuis qu'il était partit. Elle n'avait plus eu de câlins, de bisous. Le Seigneur n'avait jamais pu lui donner l'affection charnelle qu'elle avait reçu dans son enfance. Il avait déjà affiché sa préférence pour elle, provoquant de nombreuses réactions négatives parmi les autres anges, et il ne fallait quand même pas pousser le bouchon trop loin. Poser des limites, c'était parfois mieux que se laisser trop aller.

Chocolate la tira doucement, marchant à basse allure. Luna supposait qu'il avait pris son plateau dans une main et qu'il préférait éviter toute catastrophe. A moins qu'il n'ait deviné son infirmité et qu'il se règle à une allure facile à suivre. Conséquence de son entraînement, l'adolescente pouvait pourtant presque marcher à la même allure qu'une personne normale. Quand on lui tenait la main, évidemment. Et qu'on lui signalait les trottoirs, les poteaux et les passants. Mais Chocolate n'était pas censé savoir. Il n'était pas censé non plus avoir deviné, même si c'était pourtant assez simple. Il suffisait simplement de regarder ses yeux pour voir la cause de son air perdu, sa maladresse et tout ce qui allait avec.

Luna entendit le bruit reconnaissable d'une poubelle qui s'ouvre et dans laquelle on jette ce dont on a plus envie. Les choux de Bruxelles, en l'occurrence. C'était peut-être du gâchis mais là, c'était une question de vie ou de mort. De mort, à ce moment précis. Une bouchée de plus de cette affreuse composition, et c'était le trépas assuré. La jeune fille eut un petit pincement au coeur en se rappelant sa vie d'avant, quand elle était dans les bidonvilles de Los Angeles, attendant avec impatience son frère partit "acheter" à manger. C'était l'excuse qu'il lui sortait tout le temps, mais la vérité, Luna la connaissait à présent. Pendant tout ce temps, son jumeau avait volé pour pouvoir la nourrir, quitte à se priver lui-même de nourriture. Il avait tout fait pour elle, pour la protéger. La sur-protéger, même. Et c'était presque un miracle qu'elle ait survécu malgré ses yeux. Les faibles ne méritaient pas de vivre, et dans les quartiers très pauvres, c'était la loi du plus fort qui primait. Toujours.

- Maintenant que nous sommes débarrassés de ces affreux légumes, dis-moi ce que tu es venu faire ici ? Manger ? Boire ? Discuter ? Trouver ton petit-ami ? Faire du jonglage avec les assiettes ? Je peux sûrement t’aider, au moins pour le dernier point.

"Et bien ... J'étais venue chercher un peu de compagnie. Je crois. Je n'ai pas faim ni soif. Et je n'ai pas non plus de petit ami. "

Elle eut un petit sourire, plus franche que les précédents. Plus amusé, du moins. Elle n'avait jamais eu de succès auprès des garçons, de toute façon. En même temps, la chasteté était presque la valeur principale au Paradis, et rares étaient les anges de son âge. Elle avait 15 ans ! Elle fronça les sourcils.

"Chocolate ... Merci. "

De quoi, n'est-ce pas ? De ne pas s'être moquée d'elle, pas encore. De n'être pas partit après lui avoir jeté un rapide coup d'oeil. Mais peut-être que cela arriverait bientôt. Peut-être qu'il n'avait simplement pas remarquer qu'elle était aveugle. Peut-être ...

Luna Starlight, ça sonnait bien, ça me plu, c’était la lune et les étoiles, c’était enchanteur, et ça m’enchantait, avouons le.
Puis cette demoiselle m’appris qu’elle n’avait ni petit-ami, ni soif, ni faim, et elle ne paraissait pas non plus être là pour jongler avec les assiettes (ce qui est fort dommage, car on aurait eut de quoi faire). Apparemment elle recherchait juste de la compagnie, et n’était-je pas la meilleure compagnie possible ? Qui ne rêverait pas de se promener au bras d’un garçon en chocolat tel que moi ? Autant dire qu’elle était vraiment super bien tombée, la chanceuse.

Et alors cette Luna qui évitait mes yeux, elle me fit un petit sourire avant de me dire merci. Merci de quoi ? D’être beau ? D’exister ? De porter un nom aussi classe que Chocolate ? De lui servir de compagnie ? Oh peu importe hein.
Je lui rendis son sourire puissance dix et essayai d’accrocher son regard. Je passai un doigt sous son menton et lèvai son visage pour planter mes yeux dans les siens. Bleus. D’un joli bleu, un peu comme la neige à la tombée du jour. C’était à mon goût en tout cas. Pourtant il manquait ce pétillement, elle avait ses yeux plongés dans les miens mais paraissait ne pas me voir pour autant.
Oho.
J’avais dit quoi déjà ? Qu’il faudrait être aveugle pour ne pas craquer pour moi ? Et bien voilà, la preuve en était faite. Ma main à couper que cette jeune fille ne voyait rien.

- Dis moi Luna, tu es aveugle non ?

Quoi ? Qui a dit que je manquais de tact ? Le tact ça sert à quoi d’abord ? Pourquoi il faudrait prendre des pincettes pour dire ce qu’on à a dire ? Le franc-parler c’est toujours mieux que les petites paroles dégoulinantes de chantilly et remplis d’hypocrisie et de bonnes manières.
Moi je suis déjà tout entier en chocolat, alors c’est pas la peine d’enrober mes paroles.

- Tu as de jolis yeux, tu sais ? Et moi aussi j’ai de beaux yeux, alors c’est dommage que tu ne puisses pas les voir.

Je relâche enfin son menton, faudrait pas l’effrayer, je veux pas passer pour un sale pervers qui saute sur tout ce qui bouge. J’avoue que je drague et que je séduis, mais je ne touche pas. Et puis c’est beaucoup plus drôle d’avoir des tonnes de personnes amoureuses de moi, que juste une seule.

- Mais si tu cherches de la compagnie, je suis le garçon idéal. Et aucune inquiétude à avoir, je ne vais pas te faire de mal ou chercher à t’embobiner dans un mauvais plan.

Je lui dis ça, de ma voix chaleureuse (un compliment que quelqu’un m’a fait une fois, je sais plus qui, on me fait tellement de compliments tout le temps), je veux qu’elle ait confiance. Quand tu vois rien, c’est peut-être dur de savoir si le premier type que tu rencontres va pas t’emmener n’importe où pour te faire n’importe quoi. Je suis pas ce genre de mecs, moi je veux qu’on m’aime, et ça serait pas facile de m’aimer si j’abusais des gens. Déjà que je m’amuse à les séduire pour leur mettre des râteaux, alors si en plus je me montrais violent, violeur, et vicelard, quelle horreur.

- Tu peux me faire confiance ! Et me parler de tout ce que tu veux.

Et puis moi, j’aime les secrets des autres. Pas forcément pour les vendre. Ni pour les raconter. Juste qu’on se sent important quand on connaît des trucs sur quelqu’un. Et j’aime me sentir important.

Luna aurait adoré voir à quoi ressemblait Chocolate. Elle aurait aimé voir son visage, ses yeux, son corps. Est-ce qu'il était grand ? Petit ? Et qu'était le petit par rapport au grand ? On lui avait souvent répété qu'elle était petite mais elle s'en moquait. C'était parfois pratique d'être légèrement chétive. Ça permettait de se faufiler de partout, de faire des choses que les grands ne pouvaient faire. Même si l'inverse était également vrai. Il fallait donc être de taille moyenne. Bref. tout ça pour dire qu'elle aurait aimé voir. Juste une seconde. Une infime seconde, voir la réalité des choses. Les couleurs, les formes. On lui avait souvent décrit les choses, mais il était dur d'associer chaque chose avec le nom qui lui était attribué. Elle savait ce qu'était le rond, le carré. Kevin avait pris soin de lui montrer grâce à ses mains. Mais les couleurs ? Elle ne pourrait jamais les voir, les admirer. Les tableaux de peinture non plus. Rien. Jamais.

Elle sentit alors contact sous son menton, et sa tête partit légèrement en arrière. Chocolate lui levait le visage. Pourquoi ? Pour l'admirer ? A quoi bon ? Pour regarder ses yeux ? Si étranges. Morts et glacials ? Ses yeux de glace ... Terrifiants. Bizarres. Différents. Et c'est bien connu, les gens n'aiment pas ce qui est différent.

- Dis moi Luna, tu es aveugle non ?

Peut-être pas tous, certes ... Mais une grande partie. Au moins, on pouvait dire que la question était franche, directe. Le jeune homme ne passait pas par quatre chemins, et c'était sans doute une qualité. Parfois, rien ne servait de tourner autour du pot pendant trois heures, et le chemin le plus court était souvent le meilleur. Pas tout le temps mais ... Souvent. Luna rougit sans pouvoir s'en empêcher. En soi, parler de son handicap ne la gênait pas vraiment. Mais qu'il lui ait demandé ainsi était étrange. D'habitude, les gens prenaient toujours des gants avec elle, pour y aller en douceur. Ou alors, ils ne demandaient pas du tout. Après tout, presque tout dans l'attitude et le comportement de l'adolescente prouvait qu'elle ne voyait pas. Elle voulut hocher la tête, mais le doigt de Chocolate l'en empêchait. Elle répondit donc :

"Oui ... Oui, je suis aveugle. "

Elle aurait aimé lui demander si cela le dérangeait, mais elle n'en fit rien. Elle n'avait pas le courage, pas la force de prononcer ces mots. Alors elle garda le silence. Comme on garde un précieux trésor.

- Tu as de jolis yeux, tu sais ? Et moi aussi j’ai de beaux yeux, alors c’est dommage que tu ne puisses pas les voir.

Le jeune ange rougit de plus belle devant ce compliment. On ne lui avait pas souvent dit qu'elle avait de jolis yeux. Presque jamais en fait. A part son frère, et une fois le Seigneur. Mais son frère ... Il avait toujours fait pour elle le mieux, alors peut-être qu'il lui avait menti, encore. Comme il l'avait si souvent fait.

"Euuh ... Merci. "

Il relâcha ensuite son menton et Luna baissa un peu la tête. Pas trop, pour pas paraître timide. Juste assez pour ne pas avoir à forcer sur sa nuque. Il fallait avouer que la main qui l'avait saisie était douce, et le contact même léger lui manqua. Le contact masculin lui manquait. Son frère lui manquait. Et tout ce qui pouvait lui apporter un peu de réconfort avait disparu. Alors elle cherchait inconsciemment là où elle pouvait chercher et trouver.

- Mais si tu cherches de la compagnie, je suis le garçon idéal. Et aucune inquiétude à avoir, je ne vais pas te faire de mal ou chercher à t’embobiner dans un mauvais plan.

Luna sourit légèrement. Elle était un peu intimidée, un peu gênée. C'était comme s'il avait lu dans ses pensées, et qu'il avait choisi les mots pour la rassurer. Persepolis avait fait de même, lors de leur rencontre. Il avait promis qu'il ne lui ferait pas de mal. Et pour le moment, il tenait sa promesse. La voix de Chocolate était douce. Elle inspirait confiance. Mais après tout, peut-être était-il comme ça avec tout le monde ? Surtout si c'était un dragueur qui sautait presque sur tout ce qui bouge ... Il restait donc une petite lueur de méfiance.

- Tu peux me faire confiance ! Et me parler de tout ce que tu veux.

Qui fut vite balayée par la phrase du garçon. Parler de tout ce qu'elle voulait, c'était peut-être légèrement abusé. Mais ... Elle pouvait sans doute vraiment lui faire confiance. Sans pour autant déballer tous ses secrets, n'est-ce pas ?

"Tout à l'heure ... Tu as dit que tu avais de jolis yeux. De quelle couleur sont-ils ?"

A question simple, réponse simple. La couleur de mes yeux n’a jamais été très compliquée, et je n’avais pas besoin de réfléchir pour répondre.

- Vert, mes yeux sont verts.

Mais à bien y réfléchir, ils pourraient être violet avec des points roses, elle n’a sûrement aucune idée de à quoi ça peut bien ressembler. Puis vas-y pour décrire une couleur : « c’est pareil que l’herbe, la salade, ou shrek », ça va pas lui causer pour autant, si elle l’a jamais vu. Puis une couleur ça se touche pas, ça a pas d’odeur, et pas de son. A moins que tu souffres de synesthésie, évidemment.

- Ca te dit rien hein ?

Mais j’ai confiance, un type aussi génial que moi va bien réussir à lui décrire le vert. Y me faut pas longtemps pour réfléchir, puis trouvé ce que je vais dire, mais c’est suffisant pour que deux pétasses gentes demoiselles viennent bousculer Luna.

- Hey Chocolate, tu veux pas laisser tomber cette meuf et venir avec nous ?

Les défauts du succès c’est qu’on a toujours des filles comme ça pour s’intéresser à vous, et croire qu’elles sont tellement mieux que les autres que je m’intéresse à elles. Genre. Qu’est ce qu’elles ont de plus que les autres ? Des beaux bijoux ? Des nichons retouchés ? Des mini jupes ? Et un certificat qui leur permet de justifier leur impolitesse ?

- Vous êtes gentille, mais je suis occupé là.

J’attrape la main de Luna et je l’entraine avec moi, tandis que les deux haineuses font la tronche. Bien fait pour elles. Toute façon ça les empêchera pas de m’aimer, je le sais, ce genre de filles plus elles se font jeter, plus elles s’accrochent à moi.
Je fais attention à ce que Luna ne trébuche pas, ou ne se fasse pas bousculer par le premier venu et je l’invite à s’asseoir à une table vide de la cafétéria. Je l’aide un minimum, genre je lui tire la chaise, et je la guide afin qu’elle ne pose pas ses fesses à côté du siège, puis je me mets en face d’elle.

- Fais pas attention à ces filles, elles sont garces parce qu’elles sont amoureuses de moi, mais je pense pas qu’elles soient si méchantes. Enfin je crois.

Mais j’étais pas venu m’asseoir pour qu’on cause de ces filles. Que les gens m’aiment c’est même pas quelque chose dont je peux me vanter, c’est tout simplement une évidence. Et je ne suis pas responsable du comportement des autres, s’ils sont vulgaires et méchants ce n’est en aucun cas ma faute.
Donc je préfère me concentrer sur le sujet premier, la couleur verte.

- Pour revenir au sujet, je dirais que le vert est une couleur rafraichissante tu vois ? C’est une couleur qui évoque la nature. Mais tu sais ce qui fait la beauté d’une chose, c’est pas seulement sa couleur, ça peut aussi être sa forme, sa douceur, et la façon dont elle est disposée, puis aussi ce qui la met en valeur.

Wouah, j’ai l’impression d’être un prof, comme si je disais des choses savantes ou quelque chose comme ça. Et je peux conclure de mes propres paroles que si j’ai des beaux yeux, ce n’est pas uniquement parce qu’ils sont d’un joli vert foncé, ni même parce qu’ils pétillent, c’est aussi parce que leur forme est parfaite et totalement en harmonie avec le reste de mon visage. Ainsi ce n’est pas étonnant que je sois si beau, si tout en moi est bien disposé. J’ai un grand sourire à cette pensée, mes parents m’ont vraiment pas loupé.

- Tu peux toucher mon visage si tu veux, ça te donnera une idée de à qui tu parles.

Je propose puisque j’ai déjà vu ça dans les émissions, les aveugles peuvent voir avec leurs doigts et ils palpent les gens pour savoir à quoi ils ressemblent. Je suppose que cette Luna peut faire la même chose, et moi ça me dérange pas d’être touché (tant que les mains sont propres et que la personne n’as pas de mauvaises intentions perverses).

- Vert, mes yeux sont verts.

C'est quoi, le vert, hein ? C'est beau, c'est moche ? Il n'y avait pas de mot pour décrire ce qu'elle ressentait à l'instant précis. Elle était perdue, déboussolée, désespérée même. Car elle ne saurait jamais ce qu'était le vert, le bleu ou le châtain. Elle ne pouvait que s'imaginer et se fourvoyer complètement. Son esprit était souvent mis à rude épreuve et son imagination de même. Il fallait toujours qu'elle s'invente quelque chose dans son esprit, sans les couleurs. On ne pouvait même pas dire que c'était un film en noir et blanc, car elle ne connaissait pas ces valeurs lumineuses non plus. Elle ne savait rien, et elle en souffrait.

- Ca te dit rien hein ?

Bien joué, Sherlock. T'as trouvé ça tout seul ? Mais au lieu de dire ça, Luna hocha la tête. Parce qu'elle n'avait pas l'inventivité pour sortir un truc pareil. Et même si elle l'avait eu, sa timidité aurait empêché la phrase de sortir. C'était donc parfait. Et puis, elle était bien trop diplomate. Elle n'aimait pas les conflits, c'était bien connu. Et elle n'avait pas l'intention de se mettre à dos tous les gens qu'elle rencontrait ici ! Il y avait déjà Jade qui l'évitait comme la peste alors qu'elle ne savait même pas ce qu'elle avait fait ... Elle n'allait pas non plus rajouter Chocolate dans la liste des personnes à ignorer. Surtout qu'il avait l'air plutôt gentil, et que ce serait quand même vachement dommage.

Mais avant qu'elle n'ait pu rajouter quelque chose, on la bouscula violemment et sa frêle carrure faillit s'étaler lamentablement sur le sol. Elle trébucha contre une chaise, déclenchant le rire des salop**. Sans préavis, Luna les classa dans sa black-list qui regroupait tous les enfoirés qui se moquaient d'elle et de son infirmité. Breff. Heureusement pour quelle que Chocolate était là, car elle se retrouva presque projetée contre lui.

- Hey Chocolate, tu veux pas laisser tomber cette meuf et venir avec nous ?

Si elle avait pu, Luna les aurait giflé. Sauf qu'elle risquait tout bêtement de taper dans le vide, et que c'était vraiment pas son genre de frapper les gens. Mais rien que la voix de la fille qui venait de parler l'insupportait. Et son rire niais et aigu, à vous percer les tympans, était ridicule. C'était le genre de fille à se la croire devant tout le monde, mini-jupes et strings au rendez-vous. Totalement vulgaires, donc.

- Vous êtes gentille, mais je suis occupé là.

Luna esquissa un petit sourire. Il aurait pu la laisser tomber pour partir avec elles, mais non, il avait préféré rester. Et rien que pour cela, elle lui en était reconnaissante. Chocolate lui attrapa alors la main et la tira quelque part, laissant en plan les deux pimbêches médusées. Baah, ce ne devait pas être la première fois qu'elles se faisaient sèchement remballer par un garçon ... Une fois de plus ou de moins, ça ne changeait plus grand chose au bout d'un certain nombre.

La jeune ange suivit donc l'étudiant à vitesse presque normale. Après tout, quand on la guidait, c'était tellement simple pour elle. Surtout qu'il lui facilitait le passage en faisant attention à ce qu'elle ne trébuche pas contre une chaise ou une table. Il était gentil et ce côté si protecteur et attentionné lui rappela son frère et Persepolis. Ils étaient tous les deux semblables avec elle, et si l'on rajoutait Chocolate, cela faisait trois personnes.

Arrivés à une table vide, il lui tira une chaise et l'aida à s'assoir, en parfait gentleman. Elle l'entendit s'installer en face d'elle. Elle posa ses coudes sur la table, les mains sous son menton, les doigts croisés. Ses yeux étaient dirigés devant elle, fixés sur quelque chose qu'elle ne voyait pas. Qu'elle ne verrait jamais.

- Fais pas attention à ces filles, elles sont garces parce qu’elles sont amoureuses de moi, mais je pense pas qu’elles soient si méchantes. Enfin je crois.

Amoureuses, hein ? C'était une explication trop facile. C'était impossible qu'elles soient sérieusement en total in love de Chocolate. C'était sans doute une attirance physique plus qu'autre chose, ou un truc dans le genre. Luna n'en savait rien, et elle s'en moquait un peu. Elle haussa les épaules.

"Ce sont des idiotes."

Au moins c'était dit ... Franche, clair, et net. En temps normal, l'angette n'aurait jamais sortit un truc pareil avait autant de sincérité et de calme. Mais elle avait comme une certaine confiance en Chocolate, car il lui rappelait son frère. Et son esprit encore un peu naïf n'osait imaginer que quelqu'un ressemblant de près ou de loin à son jumeau puisse lui faire du mal. Pour elle, c'était quelque chose de totalement utopique. C'était comme si ... Comme si à travers la personne ressemblant à Sunrise, c'était ce dernier qui lui faisait du mal. Et cela, elle ne pouvait même pas l'imaginer.

Son frère, son cher frère tant aimé lui faisant un mauvais coup ... C'était absurde ! Impossible ! Et même si le Seigneur lui avait ouvert les yeux en lui expliquant que tout n'était pas tout rose et tout beau, il restait encore en elle une partie enfantine ne voulant pas se défaire de la vie qu'elle avait eu avant de mourir. Car enlever le voile qui recouvrait la vérité, c'était comme renier une partie de son enfance. Son enfance presque paradisiaque, où tout allait bien. Où le monde était beau et où tout le monde s'aimait. Un autre monde, un autre univers. Qu'elle voulait garder au fond de son cœur, quitte à continuer de se mentir.

- Pour revenir au sujet, je dirais que le vert est une couleur rafraichissante tu vois ? C’est une couleur qui évoque la nature. Mais tu sais ce qui fait la beauté d’une chose, c’est pas seulement sa couleur, ça peut aussi être sa forme, sa douceur, et la façon dont elle est disposée, puis aussi ce qui la met en valeur.

"Le vert représente la Nature ... "

La Nature ... C'était comme un concept, un élément. Qu'est-ce qui faisait partie de la Nature ou pas ? Tout le monde jugeait selon une règle indéfinie. Tout le monde faisait selon son envie. Et Luna aimait la Nature. Elle avait beau ne jamais avoir vu de fleur, d'herbe verte ou d'arbres, elle ressentait au fond d'elle-même que la Nature était belle.

"Si dans tes yeux tu as la Nature ... Alors tes yeux sont beaux."

CDFQ. Jugement naïf et enfantin, encore. Innocent. Mais Luna n'était-elle pas une enfant que l'on doit guider ? A qui on doit apprendre ? Malheureusement, si. Elle avait tant de chose à assimiler, tant de choses à comprendre. Mais si vert = Nature, alors le vert était une jolie couleur.

- Tu peux toucher mon visage si tu veux, ça te donnera une idée de à qui tu parles.

Luna haussa un sourcil. De surprise. C'était la première fois qu'une personne lui proposait de son plein gré. D'habitude, elle était toujours obligée de demander la permission, et là, on la lui donnait sur un plateau d'argent.

"Merci ..."

L'angette se leva donc, tout en gardant une main sur la table. Elle suivit le contour du meuble avant d'arriver jusqu'à Chocolate. Elle l'entendit qui se tournait vers elle, face à elle. Elle tendit doucement la main et ses doigts effleurèrent légèrement la joue du garçon. Sa peau était douce et lisse, imberbe. Sa main droite bougea lentement, suivant le contour de la mâchoire de l'étudiant. Elle descendit jusqu'au menton tandis que la main gauche prenait la relève de l'autre côté. Même debout, Luna était à peine plus grande que Chocolate ... Arrivés au front, les doigts gauches de l'angette suivirent le nez du jeune homme, puis ses lèvres rouges et bien dessinées. Ses doigts exploraient le visage de Chocolate comme un archéologue explore une grotte, en détails. Elle voulait s'imaginer à quoi il ressemblait, comment il était ... Et dans son inconscient, tout au fond de son âme, dans un endroit où elle-même ne pouvait avoir accès, peut-être était-ce aussi pour rendre jalouse les deux pu** qui l'avaient bousculé un peu plus tôt. Peut-être ...

Prenons de la distance par rapport à ce qui est entrain de se passer. Mettons nous donc dans la peau des filles de la cafeteria. Et des mecs gays aussi. Ceux qui ont une passion folle pour moi en gros, et je suis sûr et certain qu’ils sont très nombreux.

Alors disons que je suis une blonde à mini jupe et grand décolletée, que j’ai tellement de fond de teint sur la gueule que je ressemble à de la porcelaine, j’ai un piercing au nombril, des ongles manucurés, j’ai une préférence pour les glaces en bâton, et je pleure devant des soap débiles en m’empiffrant de pop corn. Je suis secrètement amoureuse de Chocolate Love, il est si beau, si élégant, et le son de sa voix me fait fondre. Je voudrais qu’il me prenne dans ses bras ou même qu’il pose un regard sur moi, je rêve de ses lèvres, ou simplement d’avoir le droit de passer ma main dans ses cheveux. Voilà je suis cette fille là, et je vois l’amour de ma vie, de mes rêves, de mes jours et de mes nuits assis à la même table qu’une autre meuf. Qui c’est cette pauvre fille qui est avec MON amour? De loin certes. Mais le mien quand même. Et voilà que cette pétasse, cette moins que rien, elle se met à toucher le visage de celui que je n’ai jamais osé approcher. Son front, son nez… SES LEVRES. Comment ose-t-elle cette sale garce ? Chocolate est ma propriété.

Du moins j’imagine que c’est ce que pensent ceux qui nous voient. Je sais pas si ça me réjouis ou pas, je suis pas du genre à aimer la jalousie, mais quand elle prouve que les gens m’aiment elle me flatte. Je me demande à cet instant combien sont entrain d’enrager intérieurement, combien donnerait beaucoup pour prendre la place de Luna, combien s’étouffent avec leurs choux de Bruxelle, et malgré moi ça me fait sourire.
Strawberry, ma chère petite sœur, m’aurait sûrement insulté en me demandant d’arrêter de me vanter, mais comme elle n’est pas là, je peux bien me permettre de le faire.
Habituellement je ne me laissais pas tripoter si facilement, mais les circonstances étaient différentes, Luna ne faisait pas ça pour pouvoir en parler aux copines, ou alors par désir, elle le faisait parce que ses mains étaient ses yeux et qu’elle en avait besoin pour savoir à quoi le beau gosse en face d’elle ressemblait.
Et puis ça m’amuse, c’est comme un jeu, montre moi comment ta peau est douce, je te dirai qui tu es.

- Alors verdict ? Suis-je aussi beau que les autres le pensent selon toi ?

Et rétablissons la vérité, il est certain que je suis beau, ce n’est même plus à prouver, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle on m’aime. Je ne suis pas le seul beau mec de la planète, mais l’être ne signifie pas pour autant avoir du succès. Le son de la voix y est pour beaucoup aussi, la démarche, les manières, la présentation.
Même le mec le plus sexy de la planète fera fuir les filles s’il est habillé comme un sac poubelle et s’est pas lavé depuis un mois. La séduction ne tient donc pas qu’au physique, même si c’est un plus.
Pour moi tout n’est qu’un jeu, je suis un chat, et tous les autres sont mes souris. C’est vraiment amusant et agréable de se faire aimer, c’est une drogue. Je suis terrible comme mec, j’attire la population mais je suis intouchable. Complètement.

Sauf par les mains d’une jolie aveugle, mais j’ai déjà expliqué il y a quelques secondes pourquoi, inutile donc de répéter.

- J’espère que je te plais. C’est plus facile de parler à quelqu’un qu’on n’a pas envie de fuir.

Aucune idée si elle a la notion de beauté ou non, de quelle façon elle se représente les choses, mais il doit y avoir des choses qu’elle n’aime pas toucher, même moi qui suit voyant cela existe. Par exemple pour rien au monde je mettrais ma main dans de la gelée, c’est trop… Gluant.
Alors je sais, si j’avais une peau rugueuse comme la pierre, piquante à cause d’un mauvais rasage, ou encore une forme de visage complètement ridicule, je serais sûrement moins beau, aussi bien pour les yeux, que pour le toucher.
Mais là je suis doux, je suis bien disposé, et je sens bon (le nez n’est-il pas aussi important que les doigts ?), pour moi c’est parfait. Pour la plupart du reste du monde également.
Maintenant je voudrais savoir ce qu’une aveugle va me dire.
En prenant le risque d’être vexé bien évidemment.

- J’espère donc que tes doigts n’ont pas trouvé quelque chose de répugnant à toucher sur mon visage, sinon tu vas hésiter à me parler en toute liberté.

Luna sentait tous les regards sur eux, entendait tous les murmures, les paroles chuchotées discrètement à l'oreille du voisin ou de la voisine. Elle savait parfaitement ce que pensait tous les étudiants en train de manger et pour une fois, cela lui faisait un peu plaisir. Elle n'aimait pas être au centre de l'attention, et ses joues rougirent doucement. Mais après tout, s'ils l'enviaient tous tant que ça, ils n'avaient qu'à prendre sa place et son handicap avec. Ils n'imaginaient même pas la chance qu'ils avaient de pouvoir voir le monde autour d'eux et ils osaient se plaindre parce qu'une petite aveugle insignifiante touchait le visage de celui qu'ils vénéraient tous. C'était un maigre réconfort, par rapport à la perspective même de voir un jour.

Elle termina rapidement son inspection, et ses doigts glissèrent une dernière fois sur la mâchoire de Chocolate. Elle laissa retomber ses bras le long de son corps et baissa un peu la tête, de façon à ce que ses yeux soient dirigés vers le garçon, même si elle n'était pas totalement sûre de sa position.

- Alors verdict ? Suis-je aussi beau que les autres le pensent selon toi ?

Luna eut un petit sourire. Chocolate semblait plutôt narcissique, et même si c'était un trait de caractère qu'elle n'appréciait pas beaucoup, cela l'amusait beaucoup. Une esquisse de visage s'était formé dans sa tête, un portrait dont elle ne pourrait jamais vérifier la véracité. Mais selon elle, oui, Chocolate était beau. Il avait une jolie voix, une peau et des mains douces, un visage aux traits plutôt fins par rapport à ce qu'elle avait pu toucher. Elle comprenait légèrement les filles qui admiraient l'étudiant, mais pas totalement. Pas tout à fait. Elle ne pouvait pas, de toute façon.

"Oui ... Je pense que tu es beau."

- J’espère que je te plais. C’est plus facile de parler à quelqu’un qu’on n’a pas envie de fuir.

La jeune ange rit doucement. Elle ne savait pas si son physique lui plaisait vraiment, mais elle appréciait son mental et sa façon de penser. Et puis ... même si elle n'avait pas la vue d'ensemble, elle aimait sa peau douce, la forme de ses lèvres, la forme de son visage, le trait droit de son nez ... Alors oui, il lui plaisait dans tous les sens du terme. En outre, il sentait bon. Après tout, il n'y avait pas que l'ouïe qui se développait à cause d'un sens en moins ! L'odorat aussi. Et Luna aimait bien le parfum de Chocolate, même si elle ne pouvait pas dire ce que c'était. Elle avait beau être plutôt près de lui, l'odeur de nourriture et de transpiration gênait toute autre senteur. Cependant, elle était certaine que ce n'était pas son interlocuteur qui sentait la sueur, mais les autres. Ceux qui ne prêtaient pas attention à leur propre corps.

- J’espère donc que tes doigts n’ont pas trouvé quelque chose de répugnant à toucher sur mon visage, sinon tu vas hésiter à me parler en toute liberté.

Un éclat de lumière passa à travers les yeux de Luna, les rendant vivants l'espace d'une seconde. Une lueur éphémère, si rapide qu'elle était presque invisible à voir pour celui qui n'avait pas son attention fixée sur elle. C'était si rare depuis qu'elle était morte, si rare que ses yeux s'illuminent un peu. Depuis qu'elle n'était plus avec Sunrise, en fait. Depuis que son jumeau l'avait quitté pour elle ne savait où. Depuis longtemps, donc.

"Oui ... Je crois que tu me plais. "

Elle n'ajouta rien. Se contentant d'un léger sourire rempli d'une joie qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle se sentait bien avec Chocolate. Il lui inspirait confiance. Et il semblait le garçon à qui tout le monde peut se confier sans gêne. Même si ce n'était pas totalement son genre, et qu'elle avait déjà sa confidente en la personne de Beverley.

Elle retourna alors à sa place, en face de l'étudiant.

"Je ne juge pas sur ce que je touche ... Mais sur ce que je ressens."

J’étais beau, je lui plaisais, des mots doux à mes oreilles comme un arc-en-ciel de sucre qui viendrait s’incruster dans mon cerveau. J’étais pourtant habitué à entendre ce genre de compliments, mais chaque fois c’était un véritable bonheur, comme quoi il ne m’en fallait pas beaucoup pour être complètement heureux. Les gens m’aimaient et ça c’était ce qu’il y avait de mieux.
Si j’étais né prince, j’aurais eu toute l’attention pour moi, les gens se seraient pliés en deux ou en huit pour répondre à mes quarante-sept volontés (et plus encore), seulement je trouvais que je ne m’en sortais pas si mal. Certes je n’avais pas de serviteur, mais des gens à mes pieds qui se pavanaient pour me plaire, ça j’en avais des tas.
Qu’une fille aveugle incapable de voir mon physique de tombeur puisse en faire partit me rendait tout joyeux. Strawberry disait que j’avais beau être un garçon pour le moins sexy, j’avais une personnalité exécrable et que c’était simplement parce que les gens ne me connaissaient pas assez bien qu’ils ne s’en rendaient pas compte, mais si Luna pouvait dire que je lui plaisais, non pas à cause de ce qu’elle touchait, mais grâce à ce qu’elle ressentait c’était bien que j’avais la meilleure personnalité possible.

- Il n’y a rien qui ne pouvait me faire plus plaisir, Luna.

Et c’est vrai. Sauf peut-être entrer dans un magasin d’habits où les vendeuses vont être au petit soin avec moi. Ou alors quand c’est le jour de mon anniversaire, bien évidemment. Meilleur jour dans l’année.

- Si je te plais les yeux fermés, pas étonnant que ceux qui voient m’adorent.

Je trouve ma conclusion plus que parfaite et vraie. Imaginez quand même, les aveugles me trouvent beau, alors je dois apparaître comme un apollon pour les voyants, plus rien d’étonnant à ce qu’ils se pâment devant moi. Si on avait été dans une série à deux sous sur des lycéens en chaleur, j’aurais été le héros, celui que tout le monde regarde et qu’on couronne au bal de promo. Cette chance que j’avais. Avec cela, rien d’étonnant que mes parents soient super fier de leur fils préféré (et seul fils), et que ma sœur m’adore moi son frère préféré (et seul frère).

- Mais cessons de parler de moi, alors tu te plais dans cet academy ?

Ce n’est pas que je n’aime pas parler de moi, au contraire j’adore, je pourrais philosopher sur ma personne durant des heures, et raconter des milliers de choses très intéressantes sur qui je suis. Mais j’aime également connaître les gens, particulièrement leur secret, et c’est pour cette raison que j’ai pris l’habitude de les faire parler. Bien évidemment, quand une personne n’a absolument rien d’intéressant à dire, j’arrête immédiatement de les écouter, celles là sont d’un ennuie à toute épreuve.
Cependant je suis sûr qu’une fille comme Luna a des tonnes de choses sympas à raconter, après tout elle est aveugle et elle a dut vivre des tas d’aventure juste à cause de ça. Rien que de s’habiller doit être une épreuve pour elle.

- J’espère que ce n’est pas trop difficile pour toi de t’y retrouver. C’est tout de même assez grand et on pourrait s’y perdre. Enfin je suppose que tu as des amis qui te viennent en aide.

Ce que je dis, ça n’a l’air de rien, mais franchement des fois c’est juste avec pas grand-chose qu’on en apprend le plus.
Oh ! Ne te fourvoie pas, je ne veux pas connaître les gens pour leur nuire, mais disons que ça peut toujours être pratique de savoir des choses, un jour ou l’autre cela sert. Surtout pour quelqu’un comme moi qui veut se faire aimer et qui est prêt à tout pour ça, « et puis aussi parce que Chocolate adore faire des conneries » ajouterait ma chère sœur.
En plus c’est flatteur pour les autres que je m’intéresse à eux, et donc ils en viennent à m’apprécier encore plus. Je fais donc d'une pierre deux coups.

- Je me demande aussi comment ça se fait qu’une jolie fille comme toi n’ait pas de petit ami.

A cause de son handicap ? C’est possible. Mais si je n’avais pas moi-même envie de rester célibataire, cette fille serait en tête d’une liste sur des personnes potentielles avec qui sortir, qu’elle soit aveugle ou non.
C’est pour cela que ça m’intéresse de savoir ça également.

Chocolate semblait un peu narcissique, le genre à s'aimer tout seul et à apprécier de façon démesurée les compliments. Mais il était gentil, et Luna avait l'impression qu'il émanait de lui un bonne aura. Un peu teinté de prétention mais c'était inscrit dans le caractère du garçon. Et on ne pouvait rien y faire. Elle sentait son regard sur elle, comme s'il jubilait presque. Une personne non voyante venait de dire qu'il était beau, c'était sans doute quelque chose pour lui ! Elle lui avait dit qu'il lui plaisait, mais c'était parce qu'elle ne le connaissait pas encore beaucoup. Elle aurait tout le temps de voir si elle s'était trompée ou non, dans les mois à venir. Après tout, il était fort probable qu'elle revoie Chocolate entre temps ...

- Il n’y a rien qui ne pouvait me faire plus plaisir, Luna.

Cette dernière hocha la tête, un petit sourire discret sur le visage. Il était évidement qu'il y avait beaucoup d'autre choses au dessus de ce qu'elle venait de lui dire qui pouvait lui faire plaisir, mais les gens avaient souvent tendance à exagérer les compliments qu'ils recevaient de la part des autres. Et ce n'était pas la première fois que l'adolescente s'en rendait compte. Mais après tout, les félicitations étaient là pour faire plaisir alors ... Cela ne changeait pas grand chose.

- Si je te plais les yeux fermés, pas étonnant que ceux qui voient m’adorent.

Le sourire de l'ange s'élargit un peu plus. Elle avait une perception plus affinée des gens, et cette capacité à percevoir faiblement les auras des gens avec qui elle parlait était plutôt pratique. Enfin, percevoir ... C'était un bien grand mot. Elle ressentait comme une caresse ayant une saveur particulière, et elle en tirait ses propres conclusions. Avec le temps, elle avait fini par s'y habituer et elle s'améliorait de plus en plus. Ce n'était qu'une question d'entraînement ...

- Mais cessons de parler de moi, alors tu te plais dans cet academy ?

Luna pencha la tête sur le côté et se mordilla la lèvre inférieure, signe de réflexion. Ses cheveux tombèrent doucement sur son épaule, la chatouillant légèrement. Elle frissonna presque imperceptiblement. A vrai dire, elle ne savait pas vraiment si elle se plaisait ici. Elle avait fait des rencontres intéressantes, s'était liée d'amitié avec des personnes particulières ... Mais s'y plaisait-elle vraiment ? En y réfléchissant bien, elle regrettait un peu sa vie d'avant, quand elle était avec Sunrise. Quand celui-ci la protégeait de tous les dangers, qu'il lui décrivait le monde de façon paradisiaque. Elle regrettait cette belle époque où elle n'avait besoin de s'occuper de rien et où elle se sentait entière avec son frère, loin des griffes acérées de la bête qu'était la Solitude, sa meilleure amie et en même temps sa pire ennemie.

"Je ne sais pas ... Je crois que je regrette un peu ma vie d'avant. Mais j'aime bien l'académy, ainsi que les gens qu'elle abrite."

Oui, elle les aimait bien, tous. Chacun avec leur caractère respectif, leurs défauts mais surtout leurs qualités. Elle n'avait jamais rien eu à leur reprocher et c'était très bien ainsi. Elle se contentait d'essayer de vivre sa vie le plus normalement possible ...

- J’espère que ce n’est pas trop difficile pour toi de t’y retrouver. C’est tout de même assez grand et on pourrait s’y perdre. Enfin je suppose que tu as des amis qui te viennent en aide.

Il était vrai qu'au début, elle avait eu beaucoup de mal à se repérer dans cette immense académie. Elle n'avait, à l'époque, pas d'amis et prendre ses repères avait été très compliqué pour elle. Mais maintenant, elle avait pris l'habitude et peu à peu, ses déplacements devenaient de plus en plus assurés. Elle hocha la tête ...

"Je me débrouille plutôt bien. Et oui, heureusement que mes amis sont là pour m'aider. Je ne sais pas ce que je ferais sans eux ... "

Et elle pensait véritablement ses mots. La question suivante la surprit un peu plus.

- Je me demande aussi comment ça se fait qu’une jolie fille comme toi n’ait pas de petit ami.

"Euuh ... Disons que ... Je ..."

Rendez-vous Bafouilles. Sa timidité qu'elle essayait de cacher le plus possible avait reprit le dessus. "Chassez le naturel et il revient au galop", n'est-ce pas ? Elle baissa les yeux, les fixant sur ce qui devait être la table. Ses mots s'entortillaient sur ses genoux et ses joues avaient pris une jolie couleur rouge.

"Les gens ... N'aiment pas la différence. Ils en ont peur."

Et puis, de toute façon, elle ne savait même pas ce que cela pourrait faire, d'avoir un petit ami ... En avait-elle vraiment besoin ? Après tout, le anges étaient supposés rester chastes toute leur vie. Du moins, c'est ce qu'elle croyait ...