• Luka était arrivé à la Shaded Academy sans trop d'appréhensions sur ce qui allait advenir ; des cours normaux avec des personnes qui ne l'étaient pas et loin de sa famille pour le plus grand bonheur de celle-ci. Il avait eu le temps de traîner dans le complexe étudiant pour se familiariser avec ce qui allait l'entourer à partir de maintenant et heureusement pour lui, son arrivée s'était faite durant les vacances, et donc avec le calme qu’entraînait la migration des élèves loin de l'établissement scolaire.
  
  Il avait fait en sorte de mettre en pratique ses principes ; il n'engageait que rarement la discussion et se faisait le plus discret possible, toujours en observant les différents êtres qu'il allait devoir côtoyer chaque jour. Pour l'instant, aucun n'avait attiré son attention ni sa curiosité pour qu'il cherche à s'en rapprocher. En même temps, il n'avait pas prit la peine de s'atteler véritablement à cette tâche depuis qu'il avait découvert qu'il pouvait avoir accès au toit.
  
  Lors de son arrivée, le jeune homme avait cherché un endroit tranquille et de préférence à l'air libre pour qu'il puisse profiter agréablement de la solitude. Éliminant d'ores et déjà les alentours de l'académie ; il avait d'abord pensé à se trouver un coin calme dans les jardins mais préféra suivre le cours inverse des escaliers lorsqu'il réalisa le nombre de personnes présentes à l'extérieur, se dirigeant ainsi vers le toit. Une fois toutes les marches montées, il poussa la porte, agréablement surprit de constater qu'il n'y avait personne et s'approcha du bord pour observer le panorama. Plutôt satisfait de sa pseudo-découverte, il s'y installa. Depuis il ne quittait que rarement cet endroit si agréable pour sa personne.
  
  D'ailleurs, en cette fin d'après midi, il s'y dirigeait. Sortant de sa poche son Mp3, il mit ses écouteurs et lança la première musique qui lui vint en tête avant d’accélérer légèrement la pas. Prenant donc ce même chemin, il ouvrit la porte donnant sur l’extérieur. Cependant, quelque chose vint déranger ses plans. Quelqu'un était là.
  
  Hésitant entre faire demi-tour ou faire comme si il n'y avait personne, Luka choisi la deuxième option et alla s'asseoir, dos aux barrières, ayant au préalable observé ce quelqu'un qui l'avait dérangé. Une jeune fille, plus grande que lui, apparemment. Ignorant cette information, il ouvrit le livre qu'il avait emporté avec lui. Encore une lecture morbide où sociopathes et psychopathes étaient des héros, ceci allait certainement faire fuir l'inconnue..
  
  Quoi que si il avait été un jeune homme normal il serait allé engager la discussion auprès de cette très belle jeune fille - qui plairait à n'importe qui – afin de l'inviter à aller boire un verre. Sauf que voilà, il n'était pas n'importe qui, et que quand bien même il devrait avoir vingt-deux ans cette année, son physique restait bloqué à celui d'un adolescent de dix-sept ans.

J'étais nouvelle dans cette établissement mais je me familiarisais assez bien avec les gens. Il faut dire aussi que j'aimais bien le contact, parler avec les autres, en apprendre plus sur eux. Puis je n'étais pas vraiment sauvage. Quoi que. Mais ce long séjour dans cet affreux hôpital m'avait comment dire... Donné envie de sortir, de faire pleins de nouvelles rencontres, de faire la fête, surtout. Et ce qui me manquait en ce moment était bel et bien des amis. Ne pas en avoir était comme perdre son souffle, son âme. Je ne supportais pas cette idée de devoir passer mes journées seul dans un coin. D'ailleurs, en parlant de coin, j'en avait trouvé un bien au calme. Personne ne pouvait me déranger du temps que je fasse mes petites affaires.

Je devenais, de temps à autre, un peu folle, psychopathe. J'avais énormément changé si l'on peut dire. Si un jour je le revoyais, il ne me reconnaîtrait surement pas. Rien n'était plus pareil depuis son départ. Je ne voyais plus les choses de la même façon, je ne me comportais plus vraiment pareil, je ne réagissais plus comme avant. Avant, je pensais que tout était beau, que tout pouvait me sourire, mais désormais je sais comment la vie peut être injuste et triste, voir désagréable car rien ne peut remplacer une personne qui vous est chère. Alors, de temps à autre, pour combler cette tristesse, je reste seul, regardant dehors, regardant le bonheur des autres qui surement ne renaîtra plus dans mon cœur. Je me laisse donc aller où bon me semble, où mes pas me guident. Sans aucun but précis, je marche, piétine le bitume, foule les herbes et ressent chaque branches craquer sous mes pieds. Sans aucun but non plus je détruis cette enveloppe charnelle qui sert de camouflage à ma vrai nature. Couper, détruire, saigner. Juste quelques verbes, mais en réalité un vrai besoin, cependant non vital.

J'empruntais ces escaliers, montant lentement chaque marches, comptant chaque pas. La journée avait été éprouvante. Je n'avais qu'une seul envie : monter sur ce toit où personne ne viendrait m’importuner et rester seul un moment, regardant l'horizon azuré et les élèves jouir des loisirs de l'établissement. Aujourd'hui, il y avait un léger vent, frais, doux. L'automne se faisait ressentir mais l'été voulait persister encore une dernière fois, lui tenir tête un dernier instant. J’ouvris la porte et à mon grand bonheur, personne. Personne sauf moi et le bruit de leurs piaillements. M'approchant des barrières, j'y posa mes coudes, pencha mon buste en avant, mes jambes en arrière. Je respirais doucement, sans aucun bruit. Au début je restai calme un moment. Le vent dans mes cheveux dorés, glissant sur ma robe clair, caressant ma peau me faisait sentir bien. Puis cette image revint. L'image de ma famille m'annonçant sa mort. Je me mis alors rapidement en rogne ! Je n'avais pas su le protéger, pas su être là au bon moment pour lui ! Baissant la tête, des larmes perlèrent sur mes joues.

Je n'avais pas remarqué ces ongles s'attaquer à ma peau, quand j'entendis une personne ouvrir la porte. Surprise, je lâcha prise et releva la tête. D'un geste du revers de la main, j’essuyai ce liquide salé de mon visage. Je me força à sourire, me persuadant moi-même d'être de bonne humeur, de n'avoir aucun soucis. Qu'est ce que je pouvais être pathétique ...! Il s’essaya sur le sol, dos aux rambardes. Nous étions presque côte à côte et je pus alors apercevoir quelques lignes de ce bouquin qu'il venait d'ouvrir. Je fus un peu surprise du décalage entre son physique et sa lecture. Il ne paraissait pas fou avec ses beaux yeux délavés. Il ne semblait pas non plus psychopathe avec ses cheveux châtains clairs entourant un visage enfantin. Il était séduisant, tout à fait mignon, mais après une observation plus prolongé, on pouvait sentir une certaine distance.

Je souris, d'un air un peu niais, lui demandant ce qu'il lisait. La couverture était sombre, avec quelques touchent de rouge. Je pus lire entre les lignes des "trancher", "sang" et autre mots de ce genre. Peut-être était ce un jeune homme normal, aimant les histoires terrifiantes -ce qui fut ma première idée- ou bien peut être un dérangé. Je ne prêta aucun intérêt pour la seconde, mais me la mis dans un coin de ma tête. Il fallait toujours se méfier. Toujours. C'est ce que m'avait apprit mon ex-métier de "serveuse-danseuse". Mais je restais quelque peu insouciante et m'assis à côté de lui.

« Excuse moi ! Je suis Eléonore, mais tu peux m'appeler Malicia. Et tu es... »

Je semblais vraiment de bonne humeur, je m'en étonna moi même ! Tous ces fous m'avaient donc appris à aussi bien jouer le comédie ? Pour une fois que je pouvais leur trouver une qualité... Je restai souriante, attendant une simple réponse.

Une légère brise se faisait sentir, faisant entonner un chant silencieux aux arbres dont les feuilles bruissaient doucement. Luka appréciait grandement ce genre de moments, calmes, reposants, sentir ce souffle glisser sur son corps restait l'objet d'une intense satisfaction. Il en avait souvent profité, avant. Les vastes pâturages où il s'allongeait pour observer le coucher de soleil, lorsqu'il passait ses étés dans le comté du Clare. Un soupir s'échappa d'entre ses lèvres, avant qu'il ne reprenne sa lecture, tranquillement, ayant fait abstraction de la personne à ses côtés le temps de quelques minutes, jusqu'à ce que cette dernière ne dérange sa concentration.

« Excuse moi ! Je suis Eléonore, mais tu peux m'appeler Malicia. Et tu es... »

Luka ne se laissait pas facilement déconcentrer, le plus souvent ses interlocuteurs se lassaient bien vite de parler dans le vide et s'en allaient comme ils étaient venus. Sauf que quelque chose dans sa voix attira son attention, ce qui le fit décoller de sa lecture. Il ne l'a regarda pas de suite, cherchant tout d'abord à comprendre ce ton, une certaine tristesse, une bonne humeur forcée par une envie de faire bonne figure, pour ne pas rester seule ? Peut-être une envie d'attirer l'attention ou de ne pas se faire remarquer, aussi. Pour l'instant ce n'étaient que de simples suppositions, hypothèses à développer plus tard, et il ne valait mieux pas en faire des vérités.

Il tourna son visage vers la jeune fille blonde et l'observa un temps. Elle souriait, c'en était presque déconcertant la façon dont elle masquait ses probables émotions. D'autres part, elle ne semblait pas bien maligne, un peu simple d'esprit, le stéréotype de la belle blonde, idiote et niaise. Cependant, une telle personne devait bien cacher quelques secrets, ne serait-ce que pour avoir intégré la Shaded Academy. Il inclina légèrement sa tête sur la droite.

«  Luka. O'Doherty Luka, déclara-t-i-il doucement, sa voix restant basse. Que fais tu ici ? »

Son ton était calme, sans aucune froideur comme on aurait pu s'y attendre ; et sa question simple . Bien qu'il en ressortait deux visions possibles. « Que fais tu ici, sur le toit, seule et sans occupations visibles, ni MP3, ni livres. ? » Ou bien, « Que fais tu ici, dans cette Académie. ? ». Comme pour la plupart des personnes ici, la raison ne devait pas être particulièrement joyeuse ; entre trahisons et meurtres qui poussent à quitter sa famille, la liste est longue.

Luka ferma son livre, après y avoir glissé précieusement son marque page. Il posa alors l'ouvrage à ses côtés, observant les alentours un moment avant de reporter son attention sur son interlocutrice, attendant sagement sa réponse. Finalement, il y avait certaines personnes qui pouvaient se révéler intéressantes, et cette Malicia allait attiser sa curiosité durant un moment, avant que quelqu'un d'autre ne prenne sa place, et ainsi de suite. La différence de chaque individu est plutôt instructive, on apprend les réactions de chacun suite à un choc, face à une défaite ou plus rarement, face à la mort. Apprendre la vie grâce à ces autres personnes, c'était son but, et il allait s'y tenir, après tout, que pouvait-il faire, à part ça ?

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