Alexis arrivait à hauteur du grand bois, à la lisère de la forêt qui bordait la Shaded Academy, peu de temps après quitté sa chambre dans le bâtiment Guilty qui se trouvait non loin. Élément important de ce collectif par son attraction, sa beauté. En hiver, tout comme à sa renaissance, ses floraisons, sa quiétude, ce qu’elle donnait en automne en ressources comme en été en fruits sauvages. Un endroit véritablement apprécié de tous. Elle s’y aventura, enjambant ses quelques imposantes racines qui se dévoilaient hors du sol de leur force, de leur âge. Posant une de ses mains sur les différents arbres qui passaient sous le chemin de ses doigts, pour prendre appui de temps à autre alors qu’elle s’avançait longuement. On ne sait jamais, une chute peut si vite surgir. pas maladroite mais quand même...

La zone boisée étant également plus ombrée ne constituait pas un avantage. Le feuillage, les branches, tout y jouait, jusqu’au moment, où elle surgissait la clairière la plus proche. Parfait pour un pique-nique n’est-ce pas. Elle alla en son centre, faisant un tour sur elle-même pour en observer l’éclat, ses yeux parcourant tout ce qui l’entourait avec cette semi-sensation de déjà vu…Son rêve qui lui collait à la peau, elle leva la tête au ciel. Les cieux colorés de bleu, de blanc par ces quelques mais très peu nombreux nuages qui se dessinaient aléatoirement, qui se déplaçaient longuement, le faible vent froid les poussant avec délicatesse.

Elle se laissa tomber dans l’herbe, assise maintenant en tailleur, elle inspira fortement. Tout semblait vide de vie et elle avait peur de venir à meubler ses lieux de ses souvenirs. Posant une de ses mains sur son cœur serré, qui battait par crainte mais aussi par espoir de voir le démon débarquer. Elle voila ses rubis, repensant au jeune homme qu’elle côtoyait depuis un moment, un long moment. Se rappelant de leur première rencontre, à sa venue en cours d’année. Ainsi que de tout ce qu’il avait pu lui conter sur son ancienne vie, sur sa nouvelle vie. Comment il allait, comment il se sentait, comment se passait ces journées, ce qu’il aimait, ce qu’il détestait, et ainsi de suite. Ils discutaient de tout et rien, de sujets importants, des choses plus futiles.

Alexis se laissa glisser sur le sol, s’allongeant, profitant du calme environnant, son passé qui dansait pour l’animer, la distraire, la faire patienter… Sa respiration se coupa littéralement quand la vague de son utopie nocturne la submergea un peu trop rapidement et surtout sans prévenir. Elle cru délirer en voyant le sang teinté ces brins vert épuré, elle secoua la tête, se relevant dans une panique qu’elle avait déjà connue. Soulagée de voir qu’il ne s’agissait que d’une illusion. Elle reprit correctement son souffle. Des bruits de pas se faisaient entendre, l’aura familière annonçait le jeune homme qu’elle attendait. Sa silhouette qui s’approchait, sans peu de doute et surement inutilement, elle dit, en s’adressant, interpellant celui qui recherchait sa compagnie :

" Jun ? "

Restant à sa place, immobile, ses jambes entrecroisées à nouveau, ses mains sur ses habits. Vêtue plus chaudement, d’une paire de collant opaque blanc, d’un manteau noir, et même une écharpe aux pompons de laine, en mailles très épaisses de même coloris que la matière qui couvrait ses membres inférieures. Sa jupe remontait un peu sur ses cuisses, et était couverte par cette cape obscure. Son haut n’était pas visible. Quant à ses cheveux, ils étaient encore attachés en une haute queue de cheval, elle avait laissé deux mèches qui adjacente à sa frange encadraient harmonieusement son visage. Ses yeux courbés de noir, ses iris soutenus, ses prunelles qui le recherchaient. En silence maintenant, dans un geste, elle mit sa capuche, baissant un peu la tête.

Comme un petit chaperon -mais non couvert de carmin- le loup viendrait bientôt pour jouer…

L’homme à la chevelure de feu avait dû quitter hâtivement l’enceinte de l’école afin de passer en ville pour prendre de quoi garnir le pique – nique de bonnes choses. Néanmoins il avait le malheur de ne pas connaître les goûts d’Alexis sur le bout des doigts. Il lui racontait énormément de souvenirs sans savoir les siens. C’est sur cette pensée que Jun délaissa son sourire pour une expression moins joviale. Un soupir franchit la barrière de ses lèvres, son regard longuement perdu dans le vide devant lui.

En ce moment même le garçon était assis au volant de sa voiture, ayant acheté le typique panier de pique – nique avec l’intérieur doublé d’un tissu à carreaux rouges et blancs. Il avait prit un peu de tout pour Alexis et lui, qu’ils puissent tout deux manger et boire sans avoir à se soucier d’autre chose que de leur estomac et leur bien être. Une bonne heure était passée depuis qu’il avait quitté la demoiselle et il avouait qu’elle commençait à lui manquer… Avait – il développé une dépendance à l’égard d’Alexis ? Jun sentit ses joues se farder alors qu’il mit le contact et fit vrombir le moteur avant d’appuyer sur l’accélérateur d’un coup franc. Il dépassa lentement l’autoroute ainsi que les petits chemins sinueux pour finalement arriver à la Shaded Academy où il sortit de sa voiture qu’il verrouilla. Ce n’est qu’une fois dehors que le froid s’engouffra dans ses vêtements, lui léchant vicieusement la peau, ayant pour effet de lui arracher un frisson. Il s’empara du panier avant de partir vers la forêt. Cette fois – ci le garçon était vêtu d’un pantalon semblable à une imitation de cuir noir, des chaussures montantes passant par-dessus les jambes ainsi qu’un pull simple muni d’une capuche.

Jun était assez punk dans la façon de s’habiller, ou même gothique si on le représente ainsi. Mais il ne se voyait pas, lui, démon, habillé de blanc et costard – cravate. Un petit rire sortit de sa gorge alors qu’il s’avançait vers la forêt qui n’était pas tant éloigné que ça. D’ici il pouvait voir les arbres qui formaient ainsi les bois, de grands troncs sombres portant de belles feuilles d’un vert foncé. Un silence de mort s’était installé, comme si la vie s’était évaporée en quelques minutes. Jun, non rassuré par ce silence, pressa le pas en entrant dans la forêt, suivant le chemin de terre qui menait à la clairière. Le soir n’allait pas tant tarder que ça malgré tout, même en après midi, le soir venait bien tôt. Alors qu’il avançait vers le cœur de la forêt, les chants mélodieux d’oiseaux en tout genre entendus jusque là, semblaient diminuer de sonorité jusque s’éteindre et se fondre dans ce silence. A nouveau ce sourire se perdit sur le visage de l’homme qui était tout sauf désiré en ces lieux. Pourquoi tout ce qu’il touchait devenait sombre voir même dénué de toute beauté ?

Enfin il parvint à la fameuse clairière où il fut rassuré de voir Alexis qui l’attendait de même que lui était pressé de la revoir. Il lui fit un sourire doux alors que son cœur se débattait dans son torse, cognant contre sa chair qui ne cessait de vibrer sous les coups. Il s’approcha donc doucement de cette dernière, déposant le panier pique – nique à leurs pieds, ce dernier n’étant pas tout léger non plus. Hésitant durant un instant, il se pencha sur elle et glissa ses bras autour de sa taille pour la serrer contre son corps avant de la relâcher doucement, croisant son regard une nouvelle fois.


« - Je suis heureux de te revoir… »

Entendre ces bruits légers, se rapprocher, se faire de plus en plus présent. Ses traits qui se dévoilent complètement, quand le peu de lumière du soleil qui faiblissait, bataillait pour aller l’habiller tendrement. Divulguant son identité à la jeune femme qui se trouvait assise en plein milieu de cette grande étendue d’herbe arrondie que l’astre qui gouvernait le firmament dans la journée éclairait surement de ses derniers rayons. Ce dernier viendrait dans un futur non lointain à prendre du repos, laissant sa place aux étoiles, à la nuit et principalement à la lune qui jouerait son rôle souverain. Elle ne pourrait dire quelle heure il était, mais en hiver, le jour était moindre, et plus court.

Et voyant que l’obscurité commençait déjà à l’entourer, les bois se dissimulant d’opaque, elle fut bienheureuse que Jun arrive, plus encore que ça soit sa personne, elle n’était plus seule... Remarquant son sourire qui fut d’une douceur sans égal, elle sentit son cœur battre plus fort sans pouvoir l’expliquer, il s’accéléra une nouvelle fois quand à sa hauteur, il la saisit délicatement.

Un contact physique qu’elle savourait, poussant sa surprise de coté. Pour tout dire, il était très rare qu’ils s’enlacent ainsi, qu’ils soient si proches, vraiment proches. Elle retient son souffle et elle ne le retrouva qu’en écoutant ses mots et quand le jeune homme desserra son emprise. Cependant, il ne fut pas libre de suite. La demoiselle se précipita, ne lui laissant aucune chance de se défaire d’elle, dans un geste tout aussi vif qu’imprévu, qu’imprévisible mais pas brusque tout au contraire à le rattraper. Passant ses bras autour de son cou, elle le garda contre lui. Ses bras longeant tout son dos, s’enroulant sur ses courbes. Sa tête nichée dans le creux de son cou, elle en profita pour humer son parfum, qu’elle trouvait pour le coup, vraiment envoutant. Fermant aussi les yeux, il lui semblait que tout s’arrêtait et qu’elle pouvait pleinement profiter de cet instant qui n’appartenait qu’à eux deux. Rouvrant lentement ses iris, ses yeux mi-clos, c’est à voix basse qu’elle lui demanda de rester ainsi juste quelques secondes.

Rapidement, comme elle l’avait énoncé, elle relâcha l’emprise qu’elle avait sur le démon. La position qu’il avait, penché vers elle allait le tirer, le lancer dans ses membres, ce n’était pas approprié pour le câliner ainsi. Un grand sourire sur ses lèvres alors qu’il se relevait, se remettant peut être de ses émotions, tout comme elle cherchait à calmer cette fièvre qui l’animait. Alexis remarqua le panier qu’il avait déposé à leurs pieds. Se demandant ce qu’il avait choisit en alimentation, le contentant avait l’air bien rempli en tous cas. Curieuse, elle glissa une de ses mains vers ce dernier, soulevant de ses fins doigts le haut qui couvrait le tout, elle essaya d’en observer l’intérieur d’une façon plutôt candide. La blondinette le remercia alors :

" Merci Jun de t’être occuper du pique-nique. "

La jeune femme s’en voulait d’être venue les mains dans les poches, sans rien faire. Elle retira son écharpe, la posant non loin, prés de ses jambes. Elle avait bien fait de se couvrir, le froid débarquait, même si pour le moment une certaine chaleur brulait en elle, on ne sait jamais en cette saison de givre. Elle poursuivit :

" Tu veux que je fasse quelque chose ? "

Alexis voulait se rendre un peu utile, l’aider à préparer le repas enfin à sortir ces composantes par exemple, elle qui commençait à vraiment avoir faim, son ventre n’en montrait heureusement pas signe…

Sensation éphémère et pourtant si douce, tellement appréciée par le jeune homme qui ne fit qu’un sourire charmé à la demoiselle. Il n’y avait qu’eux deux dans ce bois pour être témoin de leur propre scène, si ce n’est quelques animaux curieux qui n’osaient montrer le bout de leur museau. Son cœur cognait de façon irrégulière tandis que son regard cherchait le sien avant qu’elle ne se détache doucement, ce qu’il fit avec lenteur pour reculer et enfin s’asseoir à ses côtés. La nuit s’annonçait particulièrement couverte dû aux nuages planant dans la mer d’étoile, ce qui n’était pas pour plaire au Démon.

Enfin assis, Jun plongea la main dans le panier traditionnel afin de saisir la nappe qu’il étala doucement sur le sol, bien heureux que les herbes ne soient pas humides en cette soirée. Il étala doucement les divers plats qu’il avait pris pour satisfaire Alexis et surtout pour lui faire plaisir.


« - Régale – toi juste… Mais comme je ne connais pas tes goûts, j’ai pris un peu de tout en espérant avoir trouvé quelque chose de bon. »

Il avait enfin avoué ne pas connaître exceptionnellement la demoiselle, ce qui le faisait presque rougir de honte. Mais Jun se faisait un peu pardonné en ayant acheté quelques pommes d’un rouge exquis où l’on pouvait deviner un jus sucré et onctueux. Il détourna doucement son attention sur Alexis et lui offrit de nouveau ce fin sourire dont il avait le secret. A la fois chaleureux et tendre. Un minimum galant, il la laissa se servir alors qu’il avait levé le regard vers le ciel à peine visible au travers des épaisses feuilles de chêne. Il ne pouvait distinguer une quelconque étoile tandis que ses iris s’aventuraient sur les écorces silencieuses et sombres. Tout devenait si glauque une fois la nuit tombée. Un frisson lui parcourut l’échine alors qu’il se rapprochait un peu d’Alexis, le froid s’engouffrant dans ses vêtements pour frôler sa chair. D’un murmure, il déclara…


« - Je suis heureux d’être en ta compagnie, Alexis… »

Son cœur cognait d’autant plus qu’il ne l’imaginait mais il ne se laissait aller à ses sentiments qu’il ne cernait pas. Il se sentait si bien en sa présence, sans avoir besoin de se cacher ou de poser un masque sur son visage pour voiler son identité. Il était tout simplement lui. D’un œil en coin, il se laissa à l’admirer dans un silence respectueux, n’écoutant plus son cœur battre à tout rompre ou ses tempes où le sang affluait dans les veines.

Comme un tableau qu’ils ne cessaient de peindre, elle fut bienheureuse d’en être de ces artistes sans cependant pouvoir contempler son œuvre de l’extérieur. Cette scène aux regards d’étrangers changerait considérablement du jugement de sa vision. Pourtant Alexis trouvait cela d’une extrême beauté, tous deux assis ainsi, ayant pour cadre cette plaine d’un vert remarquable comme si l’herbe fut huilée fraichement de cette teinte, pure comme si personne ne l’avait foulé, ci ce n’est maintenant eux qui y siégeaient. Ses courbes immobiles, ses mains sur ses cuisses couvertes d’une épaisseur de blanc, ses dernières venaient à hauteur de sa tête pour se décapuchonner, poussant le tissu longuement de ses fins doigts, tout en observant Jun, un sourire sur ses lèvres. Elle libéra sa chevelure précédemment étouffé, cette masse capillaire qui retombait majestueusement sur ses épaules et qui vaguaient ensuite le long de son dos. Il déballait le contenu du panier, étalant la nappe au sol, la décorant ensuite de divers aliments, elle fut dans un premier temps le plus attirée vers ces fameuses pommes. Amusée, réjouie que le démon prenne ce fruit en particulier et que parmi toutes les variétés, il avait prisé celles d’un rouge à l’éclat si cardinal qu’on les aurait crues taillé de Cinabre.

Elle en saisit une, la gardant précieusement dans ses paumes. Et malgré ces mots, tout ce qui ce trouvait sur ce carré de tissu comblerait sa faim et ses goûts. Fixant ce bijou gustatif qu’elle tenait, elle le reposa avec délicatesse, pour plus tard. Ses yeux revenaient sur Jun, qu’elle ne pouvait s’empêcher de scruter. Ses traits si fins, si doux, elle le rassura quant à ses choix dans un premier temps. La jeune femme ne savait point qu’élire en aliment parmi ces plats, réfléchissant assez rapidement, remarquant son geste de galanterie. Ses doigts se faufilaient, son corps suivant le mouvement, elle s’appuya sur son autre bras, sensuellement ultime, se déplaçant avec aisance, elle tira vers elle ce qu’elle avait décidé de manger. Mais elle se stoppa dans son action en entendant sa voix emplit de charme l’interpella. Constatant son arrêt, dans une demi-seconde, elle se reprit dans son fait. Alexis laissa une nouvelle fois ses prunelles glissées sur ses courbes en silence.

La fièvre montait en elle, la jeune femme sentait cette chaleur parcourir chacun de ses membres, l’intérieur de son être qui s’enflammait. Elle refreinait ses chimères, écoutant son cœur qui martelait sa poitrine, sentir ses pulsions jusqu’aux bouts de ses doigts, elle aimait ça. Le sang qui s’animait avec ardeur dans la symphonie improvisée de ces battements, ces notes vitales qui ponctuait ce rythme qui lui semblait si instable qu’il viendrait à en rompre. En attendant cette facture, elle posait ses iris de braise sur sa personne en silence toujours. Quelque chose semblait la tirailler sans qu’elle ne puisse l’expliquer, mais qu’importe, elle afficha un sourire exquis et ajouta dans un même chuchotement :

" Moi aussi Jun. "

Et elle lui avoua, dans un élan qu’elle n’avait pu bloquer en soutenant son regard joaillier de ses rubis tous aussi travaillés :

" Ta présence me manquait…"

Baissant un peu la tête, sa frange venant ombrer son visage dissimulé également par ses longues mèches. Elle releva celle-ci sans tarder, sans se prélasser de cette faiblesse, se revêtant d’une attitude, de ce comportement naturellement plaisant, poursuivant :

" Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas retrouvé que tous les deux, n’est ce pas… ? "

Par instinct probablement, elle repensa machinalement à leur première rencontre. Fermant les yeux, ce souvenir flânait à la surface de sa mémoire. Le rose environnant de ses pétales de fleurs couleur pastel, lui sous ce grand arbre à admirer cette pluie florale. Le parfum du cerisier qui se confondait avec leurs deux fragrances. S’en suivit de leurs regards ornés de ces pierres rares qui s’associaient dans une merveilleuse harmonie. Enfin, elle s’en détacha, reportant son attention sur celui qui ravivait ce passé…