Accoudée à son grand bureau, elle soupira. La porte fermée à double tour, ses grands yeux félins jouaient avec les dessins qui émanaient de l’oliban. Alexis regardait fixement le bâton d’encens se consumé, sa teinte colorée disparaissant sous le rouge ardent puis embrassé de gris, la cendre tombait lentement. La fumée blanchâtre qui s’en détachait, l’entourait, s’accrochait à elle. Ses arrondis, ses formes géométriques, mais aussi parfois asymétriques s’envolaient, dansaient sous son regard. Linéaments clairs, puis plus épais qui s’entremêlaient, se cajolaient, se quittaient, se retrouvaient puis disparaissaient. Jolie métaphore de sa vie, douce complainte de son futur qui s’annonçait comme véridique. Un jour ou une nuit, elle aussi, s’éteindrait…. Sa tête bascula vers l’arrière, ses cheveux cascadant, touchaient maintenant le carrelage. Son crane comme source, ses mèches comme rivières, rus, fleuves rejoignaient la mer, l’océan qu’était le vaste sol. Elle ferma les yeux et laissa ses doigts ondulés entre ceux-ci. Prenant une inspiration, elle se releva, faisant ensuite tourner son grand fauteuil vers ces rideaux.

Ces imposants carrés de tissus, opaques. Elle se leva, une brume légère mais tout de même présente lui servant de manteau. La jeune femme se dirigea vers ces derniers. Et c’est un à un qu’elle les tira, découvrant les immenses baies vitrées. Le verre qui esquissait son reflet. La pièce avait une toute autre facette ainsi mais qu’importe. Ce bureau la représentait bien et tout aussi la maison qu’elle gouvernait. La demoiselle ne s’attarda pas sur le sujet. L’une de ses mains vint se poser sur l’une de ces fenêtres démesurées, le bout de ses doigts glissant lentement, elle inclinait dans un même temps son visage vers le bas. Alexis replaça ensuite sa chevelure, sa frange, expirant fortement l’air qu’elle avait emprisonné plus silencieux dans ses poumons, un mouvement de poitrine avant de se repositionner. Elle resta ensuite immobile, commençant une nouvelle contemplation, un autre tableau parmi tant qui se dévoilait.

Les jardins. La confrérie Guilty offrait une vue imprenable, de plus que les locaux étaient encadrés par eux. Cette salle qui lui appartenait à l’étage lui donnait une supériorité dans sa vision. La nature et ses enfants s’activaient à ce spectacle qu’on aurait cru exécuté que pour elle. Elle qui avait longtemps dénié, s’était finalement montrer, se découvrant de ses rassurantes barrières d’étoffes qui la protégeait, pour saluer cette Mère. Ses petits plus ou moins ternes, récupéraient leurs différentes couleurs, leurs diversités des tons. L’herbe, ses arbres qui se rhabillaient de feuilles, dénudés par l’hiver. Ils se vêtaient à leur rythme d’un embellissement considérable pour accueillir le printemps prochain. Quelques fleurs avaient survécues au froid mais même si beaucoup avaient péries, elles commençaient à renaître. Un bruit vint troubler sa vigilance et son attention, elle se retourna et alla vers la bordure de l’entrée. Elle ouvrit mais ses pas se hâtaient vers le meuble de bois.

L'ainée consulta son agenda, ses dossiers puis elle parcouru les divers étagères à la recherche d’un document, de plusieurs voir. Elle saisit bien des livres et les effeuilla, les survolant pour effectuer une première sélection. Cependant il lui manquait quelque chose et ceci, elle allait devoir le récupérer plus haut dans la hiérarchie. Mais avant, elle alla prendre une douche. Pour cela, Alexis s'aventura dans une partie des lieux pour rejoindre sa chambre et sa salle de bain. Elle fit couler l’eau, brulante, tellement que la vapeur conservait le peu de pudeur qu’il lui restait. L’eau ruisselait le long de ses courbes, avant de perler quand dans ses mains se formait une couche de nacre par l’utilisation de ce savon qui moussait par moment. Il ne lui fallut pas longtemps pour être prête. Elle s’enroula dans une serviette et partit s’habiller. Une chemise blanche, un pantalon noir serré, étroit, une paire de talons hauts de même coloris. Il fallait rester sombre pour ce genre de visite.

Ses cheveux toujours détachés, libéraient et accentuaient son parfum collier de son cou jusqu’à sa nuque couverte quand elle déambulait dans l’université. La grande Alexis Grace Williams, marchait sans vraiment se soucier de ce qu’il y avait aux alentours. Pas grand monde en tous cas, comme tous les matins, à une heure pareille. La jeune femme arriva à destination, le bureau de Monsieur Karl Johnson, doyen universitaire. Ce n’était pas aussi simple de s’y présenter. Il fallait passer une batterie de secrétaires, d’assistants et j’en passe, avant de pouvoir l’approcher. L’administration n’est ce pas… On l’accompagna jusqu’à une porte, l’autre personne passa le seuil lui demandant de patienter quelque peu, durant ce temps, elle avait tout le loisir de scruter ce décor opulent. Le contour du semblant de hall s’agitait alors, une silhouette lui faisait signe de venir, cette allure qui ajoutait de sa voix, annonçant :


" Mademoiselle Alexis Grace Williams. "

Le bureau de Karl était rangé à la perfection, il aimait l’ordre et savait pertinemment qu’il était plus efficace ainsi. Des tas de dossiers trainaient sur le meuble en bois où un ordinateur à la pointe de la technologie trainait là accompagné d’une tasse de thé et d’un ou deux livres semblant aussi âgés que leur propriétaire. Karl venait de prendre ce poste, il aimait le pouvoir que cela semblait lui conférer et c’était reposant après tout. Le démon était vêtu d’un veston noir avec des rayures grises et un pantalon de costume noir taillés sur mesure, sa chemise à long col était blanche et la montre pendait toujours au bout de sa chaine en argent.

Tout semblait hors du temps dans cette pièce, des meubles antiques étaient accompagnés de la pointe de la technologie, des livres anciens côtoyaient des bouquins de poche. Quant au Doyen, il était assis à son bureau, lisant un dossier d’inscription en annotant quelques mots sur la partie qu’il l’intéressait, ses lunettes sur le nez, Karl paraissait on ne peut plus studieux et calme, le type même du directeur ultra sérieux et snob.

Cela dit, son âge était noble et donc ses manières d’un temps ancien, bien qu’il se soit mit à la technologie avec une aisance extrêmement rare, n’était pas qui voulait, Karl Johnson ! Sirotant son thé, le démon finit par poser le dossier et en prendre un autre avant d’entendre quelqu’un frapper à sa porte.

-Entrez.
-Monsieur, une jeune femme désire vous parler, c’est la présidente de la confrérie Guilty.

Pour toute réponse, Karl hocha la tête et se leva avec grâce, allant refaire du thé pour son invité surprise. L’aura du démon était unique, à la foi étrange, froide, cruelle mais d’une attirance sans pareil. Il sortit deux tasses propres ainsi qu’un plateau de petit gâteau avant d’aller lui-même chercher la jeune élève.

Alexis Grace Williams. 21 ans, cursus universitaire. Il avait hâte de lui parler, finalement.

-Mademoiselle Williams, vous pouvez entrer, s’il vous plait ?

Alexis se maintenait droite, une allure particulièrement belle, soutenue et surtout naturelle. Un certain prestige dans son charisme, une aisance embrassée. Elle était immobile et patientait gentiment, cela ne prendrait pas longtemps et à peine se fut-elle la réflexion qu’une première personne quitta les lieux. Laissant la porte entre ouverte, la demoiselle se préparait à être chercher par l’Homme en question. Et là encore, elle ne se trompait pas, quelques secondes après une carrure fièrement travaillée et élégante se postait non loin de ses courbes félines. Karl Johnson lui-même. Il l’invita à passer de l’autre coté. Elle fixa son regard, ses yeux ne quittaient pas les prunelles bleutées du Doyen, ces dernières qui tiraient sur le blanc, couleur de pureté qui teintait également un des mèches parmi sa chevelure de jais. Il était rare qu’elle se retrouve seule avec lui, aussi la jeune femme fit un premier pas en sa direction, traversant le seuil du hall pour se retrouver dans son bureau…

Un endroit à son image. Un meuble correctement, strictement bien ordonné, tout était rangé. Des livres, bon nombre d’ouvrages anciens, singulièrement inestimables côtoyaient de ces bijoux de pointe de la veille informationnelle, ordinateur et tout ce qui s’y accommode. Il referma derrière eux, elle en profita pour ajouter poliment :

" Je vous remercie. "

Elle remarqua la porcelaine, ces deux tasses qui jonçaient non loin des petits gâteaux. Parfaite joaillerie pour savourer une heure improvisée du thé. La meneuse Guilty resta à sa place, attendant qu’il regagne la sienne et qu’il l’autorise à se poser. Toute la pièce était imprégnée de ce parfum dangereusement attirant. Calmes, ses iris colorés suivaient un chemin bien défini, s’habituant à la salle. Tout avait son importance. Un détail parmi tant d’autre qu’elle pourrait citer le fait qu’il était en plein travail, ses lunettes sur le bout de son nez, ses dossiers empilés, un autre ouvert et annoté de rouge. La liste était longue, évidement et nous n’irons pas jusqu’à tout vous illustrer… (Même si on pourrait xD). Bien qu’en confiance, elle ne pouvait pas oublier un élément. Il savait de par sa condition qu’elle était… Humaine. Avantage d’être tenu au secret et par réciprocité, elle avait à sa connaissance qu’il était démon. Position donc délicate, pour peu qu’il soit à tendance incube. Elle resserra un de ses boutons de manchette avec faveur et discrétion tout de moins pas vulgairement et songea encore un peu à tout cela…

Son aura commençait à s’immiscer autour de ses traits, l’entourant, unique de grande prestance, imposante et attrayante. Une force sans pareil, bien que froide qui aurait fait frissonner plus d’un. C’était sans compter qu’Alexis possédait plus d’un atout dans son jeu. Il alla s’asseoir dans son grand fauteuil, et lui fit signe de faire de même. La jeune femme s’avança et s’installa, lui faisant dès à présent face. Elle se permit alors d’engager la conversation, courtoise qu’elle était :

" Comment vous portez-vous, Monsieur Johnson ? "

C’était la moindre des choses, elle qui venait l’importuner de son travail mais visiblement, il avait un peu de temps à lui accorder, en vue du thé et ses gourmandises qui décoraient un plateau. L’académie était réputée et avait toujours eue du succès et ces derniers temps, elle était encore en expansion, et cela malgré quelques petites choses…

Karl aimait l’allure de la demoiselle, son maintient impeccable et cet aura qui émanait d’elle, c’était une jeune femme étonnante, pleine de ressource et parfaite comme leader. Bien entendu, il remarquait quelques défauts, une légère tache sur ses chaussures, un nœud un peu mal fait, rien de grave mais le Doyen aimait passer chaque personne devant lui au crible. D’ailleurs, ses trois assistantes étaient toujours tirées à quatre épingles, elles risquaient le renvoie à tout moment, après tout. Quand on travaillait avec Karl Johnson, il fallait être parfait en toutes situations c’était un pré requis obligatoire pour oser postuler.

-Froidement, l’été tarde à arriver cette année. Et vous, Miss ?

Il sourit un peu, assis tranquillement et jouant avec ses lunettes posées sur le bout de son nez. Karl aimait cette pièce et l’odeur des vieux livres, le léger vrombissement du ventilateur de son ordinateur portable, la respiration calme et posée de son invitée… Comment pouvait-on imaginer la vie de débauche que le démon avait pu avoir dans l’ancien temps ? Celui où il était gérant d’une entreprise internationale, celui où on le craignait peu mais où on le respectait beaucoup. Mais le passé restait là où il fallait, dans les méandres des souvenirs.

-Que me vaut le plaisir de votre gracieuse visite ?

La gratifiant d’un sourire presqu’angélique, l’homme cinq fois centenaire semblait ailleurs et présent à la foi, comme si son âge lui permettait de se dédoubler. Cela dit, le démon était figé sur Alexis Grace car elle l’intriguait et chose rare, faisait naitre en lui un sentiment de respect, léger et ténu mais bien présent. Il lui arrivait même de penser que cette jeune femme gracieuse et douce – bien qu’ayant un caractère fort – aurait pu être sa fille.

-Il faudra d’ailleurs que nous parlions de quelques formalités, Miss, dont celle des derniers inscrits à l’Université. Bien entendu, nous ferons cela après le thé, ne gâchons pas un moment pareil, ma jeune amie.

La voix charmeuse par habitude et le regard mystérieux, le démon ne cessait de fixer cette belle élève sans le moindre souci.

Cette saison était celle qu’elle affectionnait le plus. L’hiver, sa fraicheur, la sensation que vous procure l’air qui se cristallise. Les nuits n’en sont que plus belles. Quand vous levez la tête vers le firmament et que ce dernier vous répond, d’un faible, maigre croissant de Lune, aussi fin qu’un sourire. Aussi délicat, exquis, ravageur que celui d’Alexis. Ses étoiles flamboyantes dans une chevelure du ciel de jais, comme ses fils capillaires qui surplombent les épaules de l’homme qui lui fait face. Elle sortait beaucoup ses derniers temps à des heures qu’on pourrait qualifié déraisonnables, mais elle aimait ça. Si ce moment de l’année était son préféré, cela n’était pas sans rapport au fait qu’elle soit née dans ses eaux. Eaux glaciales, mêmes gelées, d’un petit jour de février. Un lien à la nature particulier en cette période qu’elle considérait comme sienne, ses détails qui la marquaient, la rosée sur des fleurs, des feuilles qui forment sous l’effet de givre un magnifique nappage complexe, de formes esthétiques, d’un blanc scintillant, accrocheur : était un parfait exemple.

Cependant, ce qu’elle adorait, de façon certes moindre, mais qui animait en elle cette flamme, un fragment de bonheur qu’elle embrassait, c’était les grands jours d’été. Le soleil vous enlace longuement, vous habillant de sa chaleur alors que peu de tissu couvre vos courbes. Des tongs aux pieds, une planche de surf sous le bras, la jeune femme partait durant ces vacances sur les côtes, littoraux à la recherche de la mer, du sable brulant, et son arôme salé. La chevelure au vent, la sérénité, un plaisir temporaire mais renouvelé. Ses pensées basculaient, son regard se replaçait à hauteur de celui de Karl. De ses yeux, qu’elle soutenait. Elle lui rendait son sourire, fermant lentement ses prunelles miroitantes, les images de ce qu’elle s’était annoncé gravées dans sa mémoire se jouaient encore un peu de sa personne. Reposant son attention sur le doyen de l’université, elle lui répondait :

" Je vous avouerai, apprécier garder ce manteau hivernal, son parfum froid, sa douce épaisseur… "

Marquant une pause, elle l’observa encore, juste un peu, son sourire qui s’agrandissait. Un bref signe de la tête, et elle reprenait, sa voix s’élevant dans le silence qu’elle avait orchestré peu auparavant :

" Je vais bien. "

Une nouvelle fois, ses iris se volaient tout le remerciant de lui retourner cette politesse. Cependant on ne pouvait pas dire qu’elle allait réellement bien, ni affirmé qu’elle était mal. Les apparences, sont parfois trompeuses… Il l’interrogea sur sa venue. Le démon qu’il fut lui montrait, exposait à sa vision d’humaine l’envergure de sa puissance, il lui parlait tout en étant être concentré mais aussi absent, comme si son être pouvait se dupliquer. Un tel contraste qui la frappait, sans qu’elle ne puisse rien rétorquer, rien faire. L’aura qui émanait de lui se figeait, condensée vers elle, qui ne demandait qu’à être reconnue et servie. Elle résistait, la sienne plus tapie dans la masse, présente, elle n’aurait qu’à bondir. Revenant à elle-même, elle n’ouvrit pas la bouche de suite, il reprenant la parole, annonçant la couleur, une future conversation à venir après le thé. Elle hocha positivement la tête, après tout, c'était un excellent sujet. Alexis n’avait absolument rien de prévu, ses dossiers en ordre, le reste ajournée, elle pouvait s’éterniser ici, si elle le désirait autant qu’il pourrait lui accorder. Amusée, anoblie, elle ajoutait :

" Par plaisir... Je dois également récupérer un de mes documents que vous m’avez emprunté. "

Elle croisa les jambes, ses longues gambettes qui n’en finissaient pas, qui faisaient tourner la tête de plus d’un, ornées de ses splendides chaussures. Son regard glissa sur les tasses et le thé qui allait être prêt à être servi, elle se doutait qu’il devait avoir bon goût en cette matière, lui faisant donc confiance dans cette dégustation qui arrivait qu’elle savait, connaissait presque déjà la saveur juste par l’odeur qui s’y abandonnait.

" Vous permettez ? "

Devant son approbation, ses longs et fins doigts tiraient vers eux une des pièces de porcelaine, sans quitter son socle, elle la déplaça, et la plaça ensuite à son niveau. Poursuivant simplement :


" Je suis à votre écoute. "

Les plis de la veste du Doyen semblaient domptés par quelques magies insondables et il fallait bien l’avouer, la seule chose qu’il n’arrivait pas à maitriser restait sa tignasse innommable, en effet, mis à part sa mèche blanche, le reste de ses cheveux rebiquaient ou ne lui convenait absolument pas. Mais au bout de centaine d’années, il s’y était habitué, certains diraient que cela faisait négliger et d’autres un style à la foi chic et décontracté. Et le démon aimait ces deux versions, ayant laissé tomber le simple fait de se coiffer, il préférait laisser planer le doute. Il repensait à sa chevelure rien que par le fait que celle d’Alexis était parfaitement peignée et disciplinée, il était ainsi, Karl, il sautait du coq à l’âne mais gardait toujours le fil de la conversation bien que parfois, il avait certains ‘loupés’ mais qui le remarquait honnêtement ?

-Il est vrai que la neige recouvrant le paysage donne un effet de carte postale et ce froid nous englobant donne envie au cœur de rapprocher ceux que l’on aime… Cela dit, un peu de soleil et de chaleur nous ferait le plus grand bien.

Il devait bien avouer que les manières de la jeune femme l’amusaient, il la trouvait intrigante et peut être voulait-elle l’impressionner ? Mais qui pourrait bien impressionner Karl Johnson ? Même Raven, le grand manitou n’était pour l’homme, le démon pensait que cet homme n’était qu’un enfant qui devait être guidé comme il fallait. Un vrai petit gamin qui ne pensait qu’à jouer et rester oisif toute la journée. Mais, au fond, il l’aimait bien ce Raven, comme s’il devait prendre soin de lui, chose idiote. Laissant là ces pensées stériles et inutiles pour le moment, se concentrant un peu sur la jeune femme présente en face de lui, elle était d’ailleurs à l’image de son deuxième prénom. Gracieuse.

-Bien entendu, vous pouvez et devez vous servir ma chère amie.

Karl tenait à recevoir n’importe quelle personne avec respect et distinction malgré le fait qu’il soit un démon. Croisant les jambes, le vieil homme continuait de fixer la belle et finit, piqué par la curiosité, par lui demander la raison pour laquelle la directrice Guilty était venue le voir dans son bureau.

-Puis-je connaitre la raison de votre venue ? Loin de la le fait que cela me gêne…

« […] Envie au cœur de se rapprocher de ceux que l’on aime […] »… Ses mots résonnaient étrangement, et elle fut un peu surprise que l’hiver évoque à Mr Johnson ce fait. A tout avouer, elle n’y avait même pas pensé. Les saisons de son enfance l’ayant probablement effacé, sans jalouser autrui des bénéfices affectifs qu’apportaient le froid, elle soupira doucement, tellement discrètement que le démon n’en remarqua rien, une simple impulsion de sa respiration. Son regard rougeâtre se perdait en allant chercher secours à la fenêtre, observer de sa délicate vue un détail, un tiers qui l’arrachait de ses souvenirs et de ses pensées qu’elle ne voulait avoir. Celui-ci ondula plus vers Karl quand il lui donna l’acquiescement dans ses propos, l’autorisation de se servir. Reportant complètement son attention sur lui, elle lui sourit dans un premier remerciement à sa personne. Et c’est en le contemplant qu’elle se demandait s’il avait gardé contact avec sa famille, s’il lui en restait ou même avec ses anciennes connaissances qu’il avait du acquérir au fil des siècles. Comment était-il arrivé jusqu’ici…

Curiosité passagère, elle saisit de ses longs doigts la théière assortie parfaitement aux tasses, d’un même service à coup sûr. Elle humait faiblement le parfum qui s’en dissociait, ses arômes qui flottaient dans l’air. Elle lui proposa avant de se servir, et d’un hochement de la tête il accepta. Alexis versa le liquide chaud dans le contenant de porcelaine le plus éloigné avant de remplir sa tasse. Le thé coulant dans le récipient, elle reposa le tout près des gâteaux et jeta un œil à l’eau coloré de goûts qui se mouvait formant quelques cercles sous l’ampleur de la dernière goûte tombée en son centre. Son reflet qui se dessinait faiblement, de façon réduite à l’intérieur troublé puis le tout stagnant, les traits redevenaient aussi fins et précis que la réalité. Une très maigre fumée surplombait, émanait du thé, preuve qu’il était à bonne température et la demoiselle ne se fit pas prier pour y tremper ses lèvres. Soutenant son socle d’une main, l’autre du reste, portant cela à sa bouche, fermant les yeux durant cet instant.

En avalant qu’une infime partie, sa vision se reporta sur le doyen universitaire qui demandait la raison de sa venue. Elle prit soin de lui énoncer la couleur peu de temps auparavant sans lui dire de quoi il s’agissait avec exactitude, c’est pourquoi elle reprit sans attendre :

" Il me faut le recensement des Guilty pour que je puisse le mettre à jour. "

Inutile de dire qu'elle connaissait tous ses membres, leurs prénoms et noms, natures et quelques fragments de caractère de chacun, une grande capacité notamment de mémoire, je vous l'accorde, propre à Alexis. Mais s’occuper d’une confrérie n’était pas de tout repos, tout comme géré une université. Replongeant dans son thé, en savourant une gorgée, la boisson glissait dans la longueur de son être, en y ressentant la chaleur qui s’en dégageait et sa subtilité. Elle se doutait que l’homme qui la recevait était calé niveau thé, il devait en consommé en quantité mais surtout en qualité. La blondinette n’en savait pas plus que ça sur lui, plus que la plupart des élèves, mais mois par rapport à son entourage. Il avait cette avantage d’avoir la possibilité de feuilleter son dossier, cependant tout n’y était pas recensé, et beaucoup de choses étaient plus ou moins inexactes, voir mensonges avant sa venue et sa scolarité entre ses lieux, à la Shaded Academy. Elle vient alors à poursuivre la conversation, laissant tout cela de coté :

" Je suis intriguée par vos mots précédents, de quoi voulez-vous parler concernait des formalités… ? "

Les nouveaux inscrits, elle se demandait où il voulait en venir. En entendant et dans ce silence qui commençait à se former, elle se questionna quant à son avenir, en temps que leadeur Guilty, la chasse étant de mise ses derniers temps, les pensionnaires semblaient s’égarer, certains humains ayant quittés l’endroit par peur, crainte vis-à-vis de leurs faiblesses naturelles. Tout comme les départs ayant pour origine la divulgation d’un certain meurtre… La direction avait-elle remarqué cela ? Ou allaient-ils parler de tout autre chose, l’un comme l’autre, ce problème serait un jour annoncé et se devrait d’être résolu…

L’hiver rendait toujours notre homme nostalgique d’un temps ancien, il ne savait même plus lequel d’ailleurs. Trop de souvenirs futiles et pourtant important, il ne pouvait guère effacer toutes les prouesses qu’il avait pu faire. Et puis, à quoi bon se rappeler d’un passé long, trop long mais on ne choisissait pas sa mémoire, n’est-ce pas ? Et puis, après tout, qu’est ce que le passé pouvait bien changer parfois ?

Pensées idiotes et dénuées de sens, le démon se reprit bien vite et réfléchit à la demande de la chef des Guilty, où avait-il rangé le dossier concernant cette confrérie ? Ah oui, il l’avait donné à Raven, le grand chef, pour qu’il valide certains nouveaux venus. Se levant, Karl alla demander à sa secrétaire si elle avait eu des nouvelles de ce que le démon avait apporté à signer à son patron.

Revenant à sa place, Karl ne s’installa pas dans le fauteuil moelleux mais alla à son bureau en farfouillant dans une petite pile à côté de son ordinateur. Il prit une pochette rouge et retourna auprès de la demoiselle en souriant doucement.

-Veuillez m’excuser, voici le dossier de quelques candidats qui ont retenus mon attention et j’aimerais savoir s’ils conviendraient à votre maison. Ils sont disons, un peu spéciales et risqueraient de donner du fil à retordre. Mais j’ai confiance en vous.

Il lui présenta la pochette avec un petit sourire calme et sur de lui, comme toujours en réalité. Il était bien sur de lui et malgré les rumeurs à son sujet, il restait quelqu’un de prétentieux, un vrai démon ancien et peut être un peu plus calculateur que la moyenne.

-Et que savez-vous des meurtres perpétrés il y a peu ? J’aimerais savoir ce qu’en pense les étudiants en général…

C’était là le point majeur des formalités tel que l’entendait Karl Johnson, Doyen de l’academy Shaded. Il ne fallait pas que le passé se répète, au risque de voir l’avenir de l’école en danger…

" Rien. "

Ses yeux semblaient se forger dans une intensité de plus en plus étreinte, d’une certaine noblesse passionnelle, pire encore une pression, tout remontait en surface. Ce sujet était surement l’un des plus délicats en ce moment pour toute la Shaded Académie. Il y avait beaucoup à dire, trop même. Alexis avait résumé ce fait par un simple, un seul et unique mot pourtant équivoque. Finissant son thé, le liquide chaud qui coulait le long de sa gorge, ses lèvres en consommant les arômes, le reste de sa bouche se délectant à nouveau de ses parfums, toute sa saveur dans son être, ses sens qui en inspiraient les vapeurs, la fragrance, son goût. Elle accordait une importance à ces derniers, cherchant à les pousser à leurs paroxysmes, d’expérience à vécu, c’était son instinct animal qui réclamait, qui voulait assouvir cette exigence, cette obligation qui lui était fortuite. Elle reposa avec douceur la tasse sur son socle un contraste avec ce regard droit, presque dur dont elle s’habillait…

Sentant son aura qui se renforçait, ses prunelles s’agitaient sur le démon, cependant… Mademoiselle n’était pas de nature à perdre aussi rapidement son calme et même si son sang n’avait fait qu’un tour dans un premier temps, elle se reprenait. C’était assez déconcertant, incroyable. Fermant les yeux, une inspiration suivante, elle ajouta lentement :

" Ce que je peux vous assurer, c’est que ce complexe scolaire ne devrait pas y être mêler. Aucun Guilty n’est coupable et je pense pouvoir affirmer qu’il ne s’agit pas non plus d’un acte venant des autres confréries, j’ai confiance que ça soit en Beverley, Evangeline ou Persepolis. En tant que responsable de ma maison, je me porte garante de l’innocence de ceux qui me sont assujettis. "

Caressant la porcelaine du bout des doigts, ses iris brulants à la recherche de l’attention de Karl. Elle lui exprimerait sincèrement ses sentiments et sa façon de pensée face à cette situation plus que préoccupante, et plus que problématique. Le danger rodant, elle était tapie, prête à surgir face à n’importe quelle menace. La jeune femme poursuivit :

" Sous prétexte qu’on retrouve ses lettres faites de rouge qui s’assemblent pour former le nom de nos lieux, nous sommes forcement de malheureux fautifs condamnés, déchirés et devisés…"

Le quittant du regard, ses yeux allaient par delà le verre de la fenêtre, elle n’avait pas vraiment répondu à sa question et c’est pourquoi elle lui apporta ces informations, plus absente que précédemment :

"Ils en parlent énormément, ça alimente considérablement les conversations, certains prenant peur, viennent à nous quitter, d’autres plus curieux semblent mener des enquêtes…."

Sans lui conter tout ce qui se disait… Tout particulièrement sur Alexis, qui sortait énormément durant ces sombres nuits. Elle, qui fut née un 29 Février, fêtant son âge tous les quatre ans, arrivée à 10 ans au collège, il y a 12 ans quelques mois après sa venue, deux semaines avant son anniversaire, Perl Tusman trouva la mort, puis Ashley Anderson quatre année plus tard, et ainsi de suite Olivia Guellerd s’en fut embrassée tout comme la défunte Vanessa Huges, il y a peu. Elle remplaça sa frange, respirant longuement, savait-il déjà tout cela ? Peut être bien. Qu’importait finalement, avec tout ce qui se disait sur elle, l’énigmatique, la mystérieuse… Replaçant son regard sur lui, dans un silence qui était approprié, elle le brisa. Sa voix qui s’éleva, sa rhétorique qui pourrait faire pâlir plus d’un orateur, plus d’une cantatrice l’interpella :

" Et si je puis me permettre, de vous retourner la question…."

Pour ce qui est du dossier qu’elle avait saisit un peu plus tôt, elle l’avait soigneusement placé près d’elle, et elle en prendrait conscience, très prochainement…

Il était bien entendu normal que miles et une rumeur circulent au sujet de ces meurtres au combien horribles mais ce que le doyen souhaitait savoir par-dessus tout, c’était les informations que pouvait avoir les élèves. Il ne fallait pas que la panique s’insinue dans l’Académie, tout devait rester secret, y comprit les informations que le démon pouvait avoir. Les seules personnes qui devaient s’occuper de cette affaire étaient les policiers, les directeurs et Raven R. Petters. Pourquoi est-ce que cela arrivait maintenant ? Enfin, même si c’était plus tard, cela reviendrait à la même chose. Cette histoire n’avait pas finis de faire parler d’elle, tout ce qu’il fallait espérer, c’était qu’on trouve rapidement les coupables et vite. Aux mots de la jeune femme, Karl se rappela de sa présence, laisser son esprit divaguer sur cette affaire ne lui valait rien de bon, semble-t-il. Il remarqua d’ailleurs, que cette voix était très belle et pleine d’assurance, comme celles qu’il aimait.

-Je vous crois, Miss Williams, j’ai totalement confiance en vous tout comme en Beverley.

Et c’était vrai, il avait confiance en ses élèves quoi qu’il pouvait en dire, malgré certains cas spéciaux, Karl les connaissait, il les avait sélectionné lui-même et il savait ce que chacun valait. En réalité, le démon ne voulait qu’une chose, que l’académie ne soit pas souillée par cette histoire. Et lorsque la jeune humaine parla d’enquête, le démon tiqua, juste une seconde, il inspira longuement et ferma les yeux en se disant que finalement, c’était normal…

-Oui j’en ai entendu parler. Je vous fais également confiance pour inciter les élèves à se tenir à l’écart de cette mystérieuse affaire.

Il fallait que tous se tiennent tranquille ou cela risquait réellement d’envenimer les choses, hors, les hommes risquaient de perturber ce qui était en train de se dérouler, lentement mais surement.

-Ce que je sais ? Que ces meurtres sont liés, qu’il y a également une personne qui aurait un lien troublant et je suis sur que vous avez de qui je parle…

Il fixait longuement la jeune femme, l’observant sans que cela soit trop mais juste assez pour lui faire comprendre que le démon savait plus de choses qu’on ne pouvait le croire. Mais il n’en tenait pas compte, il avait d’ailleurs étrangement confiance en elle, en cette jeune femme mystérieuse et énigmatique.

-Votre venue est un véritable plaisir, Miss.

Il valait mieux changer de sujet après tout et revenir à des choses plus légères, c’était bien mieux pour tout le monde, non ?

Tenir à l’écart les autres de ses enquêtes ? Elle avait réussit à le faire pour sa maison, les Guilty avait trouvé bien d’autres choses pour s’occuper, vu les divertissements qu’elle leur proposait ils pouvaient bien s’amuser avec ce que leur leadeur leur offrait. Elle soupira à cette pensée, à la fin de cette année, la jeune femme viendrait peut être à quitter l’académie. Quelques un étaient venus la trouver pour parler de cette éventualité et comment se déroulerait la cérémonie pour nommer une autre personne à la tête de cette confrérie. Sur quel crâne, ses douces mains viendraient à poser la couronne qu’elle avait si longtemps portée. A moins, bien sur, qu’elle ne reste ici, durant encore trois année pour son compléter son master et le transformer en doctorat. L’avenir était pour elle, un véritable tourment, de plus qu’elle avait cette épée de Damoclès qui la suivait. A cette pensée, elle leva un peu le regard, vers les cieux, plutôt vers le plafond, dans un signe de réflexion. Liam était désormais à ses cotés dans le complexe scolaire, elle venait que l’horloge ne ce cessait, et que son heure arrivait.

Elle ferma à cette pensée, l’avenir était vraiment une source de tourment pour elle. En écoutant ses mots, elle haussa doucement ses épaules, dévoilant ensuite ses prunelles. Elle grimaça légèrement, rapidement, cette expression parcourant son visage lors d’une seconde. Pourrait-il vraiment croire à ce qu’il se disait sur sa personne. Elle s’amusa à le prétendre. Qu’allait-il faire alors ? Un démon ayant traversé des siècles, bien connu de tous, toutes races comprises, exception de certains humains bien évidement, face à Alexis. Son tuteur maintenant directeur du collège, s’était même étonné de voir un démon de telle renommée prendre un tel poste, mais lui, de nature vampirique et âgé de 711ans, le comprenait, tout comme il en était venu à la Shaded Académie. Un lien troublant, c’était peut être exagéré de l’affirmer en se fondant sur ses « on-dit ». Elle croisa les jambes, le regard qui allait se perdre au loin, reflet de ses songes. Que pourrait-elle ajouter à ça ? Rien, elle préférait se taire, le silence comme réponse, comme sa sentence. Une personne pouvait prédire les calamités, les subis deux fois.

Mr Johnson lui décrocha ensuite sa phrase, plus légère, plaisante et à coup sur vraie. Elle lui sourit doucement, ses lèvres qui se mouvaient avec délicatesse, la courbure de sa bouche donnait une allure encore plus attrayante à ses traits. Ses crocs qui se jouaient de sa véritable condition, était-il bien sûr qu’elle n’était qu’une humaine. Celle qu’on dénommait comme Alexis, Mademoiselle, presque Madame Williams, ne se contentait pas de son apparence, trop trompeuse aux yeux du monde. Chose qui la faisait rire, cependant son attention sur son interlocuteur, elle répliqua, poliment, sincèrement :

"C’est un plaisir partagé. "

Ses prunelles éclatantes fixaient Karl, un sentiment curieux, assez étrange, qu’elle ne partagerait pas souvent pour cet homme qui lui faisait la conversation. N’y prêtant pas plus d’attention, elle replaça une mèche de ses cheveux avant de se dire qu’elle ferait mieux de les attacher, Alexis sortit un élastique et saisissant sa masse capillaire entre ses mains, le remontant et formant une queue de cheval haute, laissant deux grandes mèches encadrées son visage, elle lui demanda en même temps :

"Je…"

La jeune femme arrêta ses mots en pleine question et sortit son téléphone de sa poche, elle s’excusa auprès du doyen universitaire et se leva, décrochant. Une brève discussion s'en suivant, elle s’excusa à nouveau et dit :

"Pardonnez-moi, un imprévu, je dois vous laisser. Je vous remercie encore."

Elle s’inclina respectueusement, et sortit du bureau rapidement…